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Critique de Woland


La faiblesse attendrie de Simenon envers tout ce qui a trait à l'univers aquatique est bien connue. de là à appeler "La Sardine" une boîte de nuit très select, on peut en conclure qu'il s'est fait un minuscule plaisir. Car cette "Sardine"-là a pignon sur rue à Paris et son propriétaire, Maurice Marcia, est étendu raide mort devant sa porte. Toutefois, selon l'Identité judiciaire, ce n'est pas là que Marcia a été tué : on s'y est simplement débarrassé du corps. C'est l'inspecteur Louis, surnommé "Le Veuf" - en raison de son veuvage et de sa tenue - qui a prévenu le commissaire. Car Marcia, quoi qu'il espérât qu'on en crût, ce n'était pas une petite pointure. Oh ! il ne faisait pas dans la drogue par exemple mais enfin, du monde et des affaires, il en connaissait. Chez lui se croisaient, comme au bon vieux temps d'un certain cinéma, vedettes de music-hall, de cinéma, girls et puis, bien sûr, trafiquants et escrocs divers. Avec ça, l'homme était sympathique. Il savait à peu près tout ce qu'il y avait à sa voir dans le milieu mais c'était une tombe et, franchement, il eût été difficile de lui découvrir un ennemi assez suicidaire pour passer à l'acte.

A peine avons-nous dépassé le chapitre deux, le temps de faire connaissance avec la veuve (et tous les on-dit qu'on raconte sur elle ), une superbe blonde, prénommée Line, ancienne danseuse que Marcia avait épousée quatre ans plus tôt, que le téléphone de Maigret résonne dans son bureau. La voix cherche à se dissimuler mais en sait, des choses (et des pas très belles) et en plus, sous certaines précautions, elle est disposée à parler. C'est le fameux indicateur du titre qui va, vient, chuchote, rapporte, rase les murs, disparaît et réapparaît avant de s'escamoter encore ... et qui prend vite la tangente parce que les assassins de Marcia le soupçonnent d'en savoir plus qu'il ne devrait.

"Maigret & l'Indicateur" est probablement le roman le plus "cinématographiquement américain" de Georges Simenon. A l'exception de quelques scènes très rares, on y est toujours dans l'action, avec revolvers et automatiques qui jaillissent de n'importe où, ou, en tous cas, ont fait parler d'eux il n'y a pas longtemps. Les personnages, qu'il s'agisse de Line, garce intégrale, ou des frères Mori, associés de Marcia et truands caractériels, ont quelque chose de stéréotypé qui, je l'avoue, est très rare chez l'auteur belge et brouille le paysage. Simenon, pour l'habitué, c'est l'originalité qui prend ses racines dans la simplicité. Et sans notre fameux indicateur, c'est à peine si nous aurions un seul pétale de cette originalité si particulière. C'est comme si l'écrivain se fatiguait ... Après tout, il en aurait le droit : combien de grands romans - sans compter les "Maigret" - nous a-t-il déjà donnés ? Jetez un coup d'oeil sur toutes les fiches que j'ai pu faire pour Babélio et comptez. Ajoutez à cela que nous nous apprêtons seulement à entamer le troisième tome des "Romans durs" ...

Dès le début - ou presque - on devine les ficelles de l'intrigue. Simenon ne fait pas beaucoup d'efforts pour les cacher. L'analyse psychologique est là, certes, mais ne concerne en fait que l'indicateur, au détriment des coupables qui eussent certainement gagné à plus de profondeur. Laid, n'ayant pas grand chose pour lui, aimé cependant, notre indicateur aurait pu faire jockey dans son jeune temps et puis, les aléas de l'existence ont fait que ... Mais, dans son style, il a réussi. Il a pensé, il a réfléchi, il est devenu quelqu'un dans son milieu. Après tout, des indicateurs, il en faut, non ? Et d'excellents indicateurs, c'est encore plus nécessaire. Respect

Tandis que les responsables de la mort du propriétaire de "La Sardine" sont d'un banal effarant. On leur suppose une cervelle bien sûr mais vu la façon dont ils s'en servent - jusque devant le juge, à leur procès, où ils passent les débats à s'insulter mutuellement - on sait que, même s'ils ont certainement mené plus souvent la belle vie que l'Indicateur à physique de jockey, ce sont eux, les moches, les petits, les trop gourmands, les ratés ... Comme pris d'un vague remords, Simenon les qualifie tout de même, à la toute fin, de "fauves" mais, s'ils ont bien les instincts de certains grands prédateurs, ils n'en ont ni l'intelligence, ni le panache.

A mes yeux donc, un "Maigret" tranquille, qu'on lit tout aussi tranquillement en suivant les balises indicatrices déposées çà et là par l'auteur. Mais après tout, un génie comme lui a bien le droit de se reposer de temps en temps. ;o)
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