Encore un roman qu'on classe parmi les “durs" de
Simenon. Pas un roman noir pour moi, plutot un gris, bien qu'il debute par une chaude journee d'ete a Paris. Gris comme son personnage principal, Bernard Jeantet, un homme aux habitudes grises, aux pensees grises, aux espoirs gris, a la vie d'un gris accablant. Gris quand il pleut ou vente, gris meme en plein soleil. Gris dedans, dans son appartement gris, gris dehors, dans les rues ou il passe. Gris dans ses rapports aux autres, gris dans son intimite.
Vivant seul par habitude, il a un jour aide une prostituee blessee par son mac. Il l'a cachee chez lui, sans trop lui poser de questions, sans trop se poser de questions. Avec le temps il s'est habitue a elle, a sa presence, et il l'a meme mariee. Et elle, s'est-elle habituee a lui?
Des annees passent et un beau mercredi d'ete, revenant de sa rencontre hebdomadaire de travail, il ne la trouve pas a la maison. D'abord surpris, parce qu'elle ne sort pratiquement jamais, il l'attend, vegetatif. Puis, un peu inquiet, Il sort la chercher, questionne la concierge, les commercants du coin, finit au commissariat pour s'assurer qu'elle n'a pas ete victime d'un accident.
Quelques jours apres on la decouvre. Elle s‘est suicidee dans un hotel des Champs Elysees. Et quelle mise-en-scene! Couchee en robe blanche dans un lit seme de fleurs, une bouteille de champagne a ses pieds. Incomprehensible pour le Bernard.
Incomprehensible? Et si c'etait la chambre ou elle retrouvait un amant? Et si c'etait l'endroit ou elle venait simplement se resourcer? Respirer un peu d'air frais, autre chose que la grisaille que lui offrait le Bernard? Et si elle n'avait qu'essaye de fuir la cage etriquee ou il l'avait enfermee? Fuir la mediocrite d'une existence faite de monotonie et d'apparente tranquilite? Il l'avait aidee en un moment critique, mais l'avait-il sauvee ou au contraire, etouffee, asphyxiee? Un oiseau sauvage peut-il vivre en cage?
Simenon nous sert avec ce livre une tranche de vie tres grise, tres triste, et pas seulement parce qu'il y a mort en la demeure. Tout y est triste et gris comme les alentours de
la Porte Saint Denis que
Simenon evoque si bien, en opposition aux Champs Elysees. Son talent est la, comme toujours, meme dans ce petit roman que je ne compte pas parmi ses meilleurs. Une petite lecture d'hiver.