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Critique de Henri-l-oiseleur


Comme tout roman de Claude Simon, "Histoire" donne lieu à une infinité de commentaires, de remarques et d'études approfondies, qu'un simple billet de lecteur ne saurait égaler. Tout au plus se bornera-t-on à comparer ce roman incomparable à ceux qui l'ont précédé, "La route des Flandres" et "Le palace". Ces trois romans procèdent chacun de l'histoire familiale du personnage principal, narrateur ou héros. Mais si "La route des Flandres" et "Le palace" s'ouvrent à la grande Histoire, à la défaite de 1940 et à la Guerre d'Espagne, "Histoire", paradoxalement, le fait beaucoup moins et replie le propos, l'enquête (je n'ose pas dire le récit) sur la maison de famille et les archives photographiques, les affaires et les propriétés, des parents du personnage. Ce repli sur les plus modestes documents et sur l'histoire parentale, éclaire tout le paradoxe du titre, "Histoire" : une Histoire où il y en a si peu, et une chronique familiale là où les histoires, les événements, et les choses "dont on fait toute une histoire", sont privés et particuliers, ne concernent en rien l'histoire globale du pays et de la collectivité. Pour écrire son livre, Claude Simon est parti de toutes les significations possibles du mot "histoire" afin de les exploiter à fond dans son ouvrage, qui est une enquête, au sens étymologique d'histoire. Pour se faire une idée de son travail, on pensera à l'étonnement et au scandale produits par "L'enterrement à Ornans" de Courbet : le peintre, représentant une cérémonie de village où chaque villageois pouvait se reconnaître, avait choisi le format du grand tableau d'Histoire héroïque, format réservé jusque-là aux batailles, aux couronnements et aux événements historiques comme on en trouve dans la Galerie des Batailles du château de Versailles.
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Le style du romancier, toujours proche de l'expérience la plus concrète des sens, s'apparente par sa luxuriance au courant de conscience, où images et mots s'appellent et s'associent d'un paragraphe à l'autre. On est tenté de renoncer à suivre une histoire telle qu'il s'en trouve dans les romans traditionnels, où le récit suit une logique préétablie depuis Aristote sans "s'égarer" dans les sensations, les associations d'idées, les échos de mots et de thèmes. C'est ce qui a donné à Claude Simon cette réputation d'auteur difficile, ce qui le désolait, alors qu'il essaie de reproduire au plus près, le plus fidèlement possible, le fonctionnement de la conscience humaine sans les béquilles de la rhétorique reçue. Comme sa technique kaléidoscopique, au plus près de la sensation, nous empêche de "suivre l'histoire", on peut supposer qu'il y a quelque ironie dans le titre.
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