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Critique de Alice94


L'Herbe, Claude Simon (1958) _ Oeuvre matrice du grand Simon, prix Nobel en 1985.


Ce roman est la chronique de la fin de vie de Marie, accompagnée durant ses derniers jours par son frère Pierre et sa femme Sabine et surtout par Louise, leur belle-fille.
Marie, ancienne institutrice issue d'une famille rurale du début du XXème siècle, a tout sacrifié pour élever Pierre et en faire un professeur.
Louise, belle-fille de Pierre et femme de Georges, quant à elle envisage de quitter son mari pour suivre son amant.
Durant ces quelques jours elle se rapproche de Marie qui, murée dans un mutisme d'agonie, lui révèle à sa manière ses secrets en lui transmettant une boîte à souvenirs. Dans cette boîte Louise va découvrir la vie simple et parfois cachée de Marie, des carnets de comptes et des photos souvenirs de cette époque où Marie, entourée de ses parents paysans, allait se marier. Mariage qui n'a jamais eu lieu, le seul homme de sa vie aura été Pierre.
L'histoire se déroule dans un cadre bucolique, le narrateur nous décrit les états d'âme des personnages et nous expose les photos du moment présent et du passé, les derniers rayons du soleil à travers le T des volets fermés de la maison juchée sur les hauteurs d'une colline verdoyante, le vagabondage des pensées et nombreuses interrogations de Louise devant sa glace ou allongée dans l'herbe du jardin, les crises de jalousie de Sabine souvent en prise avec l'alcool.
L'idée de fin est également très présente, la mort proche de Marie, la fin de l'été et les hectares de cultures de poiriers dont les fruits pourrissent au sol avant maturité, emportant les espoirs de fortune de Georges.
"L'Herbe "est une succession d'images de différentes époques s'entremêlant comme la vie des paysans de la fin du 19ème siècle ou l'exode en train en 1940.
Cette impression d'idées qui s'entrechoquent est matérialisée par l'insertion de longues phrases musicales interrompues par de nombreuses parenthèses qui nous renvoient vers d'autres pensées et nous font parfois perdre le cours du récit à l'image de la réalité instable, fragile et fragmentée. Cette sensation de désorientation éprouvée par le lecteur est également renforcée par des dialogues souvent coupés en plein milieu de conversation ou surgissant de façon impromptue.
Cette juxtaposition d'images, ce souffle puissant de la phrase ample et musicale mais saccadée font de ce récit un roman où le sentiment du temps qui passe est omniprésent et déstabilisant.


Oeuvre de Mémoire ancrée dans L Histoire.


Mon passage préféré pour sa "fraîcheur" apparente, _ sa poésie, sa musicalité, ses images et sa douceur atténuant quelque peu la noirceur de la mort qui pèse pourtant terriblement! On retrouve bien là le style de Claude Simon : phrase ample et musicale, ondulante, tournoyante, terriblement enivrante _ qui d'un souffle ou de langues vertes vous emporte !


"Toujours debout, l'herbe, les minces langues d'herbe le long de ses jambes nues mollement balancées, non pas la brise mais l'air tiède en paresseux remous, les hautes graminées, leurs têtes arachnéennes oscillant, flexibles, léchant ses chevilles, les multiples et vertes langues de la terre, et autour d'elle cette molle vibration de chaleur, s'apaisant par degrés, les contours des choses ondulant à la façon d'algues, toutes les feuilles des trembles frémissant sans trêve, oscillant, palpitant..."



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