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Critique de Furtis


Furtis
03 septembre 2022
L'heure des oiseaux est un court roman qui raconte deux histoires fictives. Celle de Lily et « le Petit », deux enfants abusés, et celle de la narratrice, une ornithologue partie sur les traces de l'enfance de son père dans l'espoir de comprendre les maux de celui-ci.


L'affaire réelle reliant ces deux histoires est celle de l'orphelinat de Jersey. Des centaines de témoignages affluaient depuis le printemps de l'année 2006 après un appel à témoins, accusant les encadrants de l'établissement de privations et sévices sur les enfants entre les années 50 et 80. En 2008, le scandale finit par exploser dans les médias britanniques (l'île de Jersey appartenant à la Couronne) puis européens.


Le roman alterne les deux récits fictifs. Cela se passe en 1959 pour les enfants. L'autrice dépeint leur effroi et leurs efforts pour supporter leur réalité dès les premières pages. On comprend rapidement qu'ils sont victimes d'abus de la part des adultes censés les encadrer - d'abord moraux, puis physiques, et enfin sexuels. le point de vue adopté est celui de Lily, enfant pas comme les autres de huit ans, qui se fait le devoir de protéger le Petit, bien plus jeune. La gamine aura dans son malheur la chance de rencontrer un ermite bienveillant et cultivé, son seul ami dans cet enfer. Son personnage est directement inspiré d'Alphonse le Gastelois, pêcheur injustement accusé d'abus sexuels sur les enfants, cible facile pour éclipser les vrais coupables de l'île de Jersey, qui finira par s'exiler pendant plus de dix ans sur un archipel proche.


La narratrice, nouvelle venue sur l'île de Jersey à notre époque actuelle, enquête sur une période absente de la mémoire de son père, quand celui-ci était interné à l'orphelinat. Artiste et homme raffiné, cette figure paternelle si calme se braque le jour où un documentaire télévisé lui fait redécouvrir ce lieu expulsé de ses souvenirs. Face aux profondes crises d'angoisse qu'il subit, sa fille ornithologue tente de remonter aux racines du mal en se rendant sur place.


Les oiseaux sont partout présents : dans les observations de la narratrice, qui, déformation professionnelle oblige, nomme tous les oiseaux qu'elle peut apercevoir durant son séjour sur l'Île aux fleurs. Et dans les tentatives de fuites mentales de Lily, qui se plonge dans leurs chants dès que possible.


J'ai lu ce roman car j'ai depuis quelque temps un intérêt pour les îles de Jersey et Guernesey (le cadre naturel, la curiosité pour ces îles étrangères si proche des frontières de la France métropolitaine, la culture et les langues locales, le fantôme de Victor Hugo). Je ne connaissais pas le scandale de l'orphelinat, bien réel. de fait, ce roman est important, car il rappelle ou fait découvrir une affaire gravissime qui n'a pourtant jamais été élucidée. Malgré un nombre écrasant de témoignages concordants d'anciens pensionnaires, et plusieurs accusations envers des personnalités plus ou moins célèbres, aucun coupable officiel n'a été désigné, et on a régulièrement accusé les institutions, locales et nationales, d'étouffer l'affaire.


Maud Simonnot réactive ce dossier avec une fiction bien documentée, où la noirceur du sujet laisse néanmoins la place aux paysages naturels de Jersey, et à sa faune ornithologique. L'autrice semble vouloir éviter à tout prix de faire passer son roman pour un thriller, la quête de la narratrice étant un peu expédiée, notre protagoniste amassant les plus précieux témoignages sans presque aucune difficulté... Quant aux enfants, on comprend difficilement cette liberté qui leur est régulièrement (quotidiennement ?) donnée de se promener sur l'île sans surveillance, alors qu'on croit comprendre leur situation de détention dès qu'ils sont dans l'orphelinat. Ces quelques zones d'ombre et facilités entachent la qualité d'un récit court et efficace qui fait réapparaître une histoire injustement tombée aux oubliettes.
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