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Critique de Scribe


Scribe
19 décembre 2022
L'heure des oiseaux de Maud Simonnot

C'est un tout petit livre que celui de Maud Simonnot, mais combien il restera marqué dans ma mémoire. Nous sommes en 1959, sur l'ile de Jersey à quelques encablures de Granville. Jersey c'est le paradis des millionnaires, de tout ceux qui fraudent le fisc sur la planète. Dans cette île anglo-normande d'où la référence à Granville, c'est aussi dans cet écrin de verdure, celui d'un orphelinat du Haut de la Garenne, qui dans les années 1950 à sa fermeture en 1986, a été le théâtre d'agressions sexuelles pédophiles, dans des pièces secrètes en sous-sol. A sa fermeture en 1986 la police découvre un fragment de crâne d'un enfant. A partir de cette découverte, des témoignages de plus de 160 personnes révèlent avoir été physiquement et sexuellement abusées par des personnes invitées par les responsables de cet orphelinat pour assumer leurs déviances sexuelles . Une partie du gouvernement de l'ile essayera d'étouffer l'affaire, lit-on dans un article du Monde du 1 juin 2021 : révélant que lorsque que Graham Power s'est saisi de l'affaire il a été à sommé de s'occuper des affaires courantes et de ne pas faire de vague. Evidemment, il sera limogé. Mais revenons à ce livre L'heure des Oiseaux de Maud Simonnot en suivant Lyly et Simon qui comme l'indiquera à la fin de son ouvrage sont des personnages fictifs dont leur histoire est librement inspirée des faits réels et des informations provenant d'articles de presse, de livres, de documentaires sur ce sujet. Pour survivre à la cruauté des responsables de cet orphelinat, Lily puise tout son courage et Dieu sait qu'il lui en faudra, dans le chant des oiseaux et en se liant d'amitié lorsqu'elle s'échappe de l'orphelinat, au risque de sanction les plus terribles, avec un vieil ermite vivant de la nature au fond d'un bois et en donnant un amour inconditionnel au Petit qui sera en fait Simon. Soixante plus tard, une jeune femme se rend sur l'ile pour enquêter sur le passé de son père. « le jour où je suis arrivée dit-elle sur l'ile, il neigeait. J'avais rêvé d'azur, de voiliers et de soleil couchant. J'ai débarqué en pleine tempête dans un endroit où personne ne m'attendait. » Par facilité elle choisit un vieil hôtel dans un port Sud de Saint-Hélier, à quelques kilomètres du lieu du crime. « Dès le lendemain, j'ai voulu voir l'orphelinat. Une immense bâtisse victorienne en granit, rendue plus lugubre encore par son histoire et le fait que depuis des années elle est abandonnée aux vents et aux dégâts du temps. » Un des orphelins, parmi les témoins les plus important du procès avait souhaité voir démolir cet endroit symbole de son traumatisme. Dans ce sombre bâtiment bordant la forêt à la sortie du village des dizaines d'enfants placés par l'Assistance publique avait subi l'inavouable ; maltraitances physiques, humiliations, privations de nourriture de soin, punitions et sévices sexuels. Tout avait débuté en 2008 lorsqu'on avait dégagé les restes d'un corps enterré dans une cave de l'orphelinat sous une dalle de béton. Un appel téléphonique anonyme ayant précisé au commissariat l'emplacement des ossements. Les policiers ont tenté de dresser la liste des personnes impliquées et celle des victimes. L'une comme l'autre fût difficile à établir : de l'orphelinat fermé en 1986 on n'avait conservé aucun registre des employés ni des enfants. « En outre la police locale qui se divisait entre une police dite officielle et une police honorifique constituée de connétables, centeniers et vingteniers , des citoyens élus depuis le XIVe siècle par les paroissiens pour le maintien de l'ordre, débordée par une si grosse affaire , n'avait rien fait dans les règles. » Les preuves ont été égarées, les analyses et témoignages contredits, les informations confidentielles divulguées, des témoins intimidés et comme je l'ai dit plus haut, le chef de la police dont l'intégrité gênait les notables locaux, limogé. Dans l'ile Britannique l'onde de choc s'éteignit aussi vite qu'elle s'était levée et le baillage de Jersey put retrouver sa légendaire tranquillité, ses banques et son bocage verdoyant. Paragraphe par paragraphe en alternance, nous suivons les démarches conduites par cette jeune femme sur les traces de son père et celle de Lily, une très jeune enfant beaucoup plus mure pour son âge, qui comprendra bien avant tout ce monde les dangers dont elle va devoir faire face et notamment pour protéger le Petit, dans cet enfer que fut cet orphelinat à Jersey. L'on ne peut, ne pas faire référence à l'enquête de la commission CIASE, révélant que 216 000 mineurs ont été victimes de prêtres, de diacres et religieux depuis 1950. Grâce à l'écriture de Maud Simonnot, nous passons si j'ose dire de l'ombre à la lumière. L'ombre : celle obscure de cet orphelinat : la recherche des victimes mais aussi celle des auteurs leur interpellation. Auteurs des faits qui ont su se draper dans leur honorabilité séculaire. La lumière : celle de la poésie de la campagne, des bords de mer, celle de la rencontre avec ce vieil ermite et celle de la musique des chants des oiseaux narrée avec délicatesse par Maud Simonnot. L'heure des Oiseaux de Maud Simonnot, je vous invite à le découvrir pour ne pas oublier les enfants de cet orphelinat. Bien à vous.
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