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Critique de Biblioroz


Se déroulant juste avant la Grande Guerre, ce roman englue encore dans les restes de l'époque victorienne ses trois personnages féminins. La figure paternelle, austère, intolérante et tyrannique, maintient un puritanisme plus destructeur que salutaire.

Dans un vallon du Yorkshire, quelques maisons grisâtres forment le petit village de Garth. En remontant la grande route, le presbytère, de pierres noircies, renvoie la même teinte triste que toutes les habitations en contrebas. du gris, comme les yeux des trois soeurs qui attendent chaque soir les coups de dix heures signifiant les prières données par James Carteret, leur père vicaire de Garth. Si Mary, Gwenda et Alice diffèrent peu par leur physique, leurs caractères respectifs les distinguent radicalement. Mary, l'aînée, nous est présentée comme douce et bonne. Gwenda la cadette, franche, nerveuse, impatiente, avec une énergie fougueuse qui la fait courir les landes. La plus jeune, Alice, a un grand besoin d'amour et c'est justement à cause de son inconséquence que le père a décidé de venir à Garth, pour que ses filles soient plongées dans une solitude, sans possibilité de tentations masculines. Deux fois veuf, Mr Carteret n'a pas supporté que sa troisième femme l'ait quitté sans divorcer, donc sans possibilité pour lui d'avoir une nouvelle compagne, et sa rancoeur rejaillit sur ses filles qui ne doivent succomber à aucune passion.
C'était sans compter le bruit des roues d'une carriole qui troue parfois la solitude et le silence alentour. Ce bruit, guetté par les trois soeurs, fait palpiter leurs coeurs lorsqu'il survient devant la grille du presbytère. Leurs pensées vont alors vers le jeune docteur Rowcliffe, mais un seul homme pour trois jeunes femmes désireuses de quitter le joug paternel ne peut suffire…

Les possibilités offertes pour ne plus dépérir sous l'autorité du père ne sont guère nombreuses au fin fond du Yorkshire. L'entente sororale qui pourrait être un atout est-elle assez forte pour résister à la pression de chaque coeur ? Tous les rapports entre soeurs sont décortiqués, faisant la force psychologique de ce roman. Les aspects des caractères s'éveillent, les personnes se dévoilent pour servir leurs propres buts. L'intensité des sentiments régit la vie au sein du presbytère et le jeune docteur saura-t-il en interpréter tous les signes ?
Le petit village fait aussi entendre ses désapprobations envers les attitudes des trois filles Carteret et leurs combats ne semblent pas pouvoir échapper à de tristes conséquences.

L'intérieur du presbytère, les landes, le village, la lune, participent au destin des trois soeurs. La plume de May Sinclair anime tout ce qu'elle effleure, reste pudique tout en parlant de désir, en accord avec son époque, mais fait preuve d'une étonnante modernité par sa succession de phrases courtes ou amples.
Cet amer aperçu du comportement humain, même au sein d'une sororie, montre le talent de May Sinclair à construire une histoire en fouillant tous les recoins conscients et inconscients de ses personnages.
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