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Critique de ODP31


François Pignon en chapka.
Comme dirait Dracula, André n'a pas de veine. Conte de la scoumoune, ce roman satirique suit un pauvre gars qui porte malheur à ses proches dès qu'il s'approche. Une vie de chat noir briseur de miroir qui ronque à l'ombre d'une échelle un vendredi 13. Impliqué dans la mort successive de ses cinq frères, excusez du peu, privé de l'affectation de sa mère, André doit sa malédiction à un pacte passé à 5 ans avec Dora, fée et pédiatre, sorcière et orthophoniste, qui le guérit d'un terrible bégaiement. Li li li bé bé ré ré réré son palais glacé et ses mots surgelés mais privé d'amour à perpétuité. La parole contre la solitude éternelle. Parabole de l'écrivain qui n'a pas de bol. C'est le deal.
Derrière ce récit loufoque qui flirte avec le fantastique au point de lui rouler quelques galoches qui s'emmêlent avec la réalité, il faut connaître la destinée de l'auteur pour en déceler toute la symbolique.
Andréï Siniavski (1925-1997) fut un écrivain russe dont la fâcheuse manie de faire publier en douce et à l'étranger des textes ne mettant pas assez en valeur le paradis communiste, lui coûta 6 ans de travaux forcés. Il passa donc un certain temps dans un de ces ravissants camps de vacances russes qui poussaient étrangement les gens à quitter le bloc soviétique et à franchir le mur de berlin toujours dans le même sens à la première occasion.
Une fois libéré, l'écrivain part s'installer en France. Manque de pot, après les coups de marteau des rouges à faucille , ses compatriotes exilés lavent plus blanc que les blancs, et lui reprochent des écrits trop élogieux du poète Pouchkine. Il y a de quoi biberonner du rosé en intraveineuse !
Rejeté ainsi de tous côtés, il écrit en 1979 André-la-Poisse, sorte de double poissard qui lui permet de rire jaune de sa propre situation de mouton noir des expatriés, apatride des idées.
C'est grâce au (meilleur) livre de son fils Iegor Gran, « Les services Compétents », inspiré de la vie clandestine de son géniteur dissident, que j'ai découvert puis eu envie de lire cette comédie qui possède une saveur amère, l'amertume de la saumure russe.
Je dois avouer que j'ai préféré l'hommage kafkaien du rejeton à la fantaisie du père mais j'ai passé très un agréable petit moment de lecture en essayant de débusquer derrière les échecs du personnage et ses mésaventures à répétition les blessures de l'auteur.
Quand le sourire de la candeur devient la grimace de la rancoeur. Bien rococo cette chute.
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