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Critique de coincescheznous


…. !

Il existe des romans qui vous clouent sur place, et indéniablement Avant la longue flamme rouge en fait partie. J'ai refermé le livre hagarde, à la fois très triste et très reconnaissante envers la vie d'être là, très préservée des malheurs de ce monde.

Mais reprenons depuis le début. Je n'avais jamais entendu parler ni de Guillaume Sire ni de cet ouvrage. Mais j'ai eu la chance d'être choisie pour le prix des lectrices Version Femina, et voici donc que je me suis retrouvée avec ce livre dans mes mains à la fin du mois de décembre 2019. Je cherche donc à me renseigner, qui est Guillaume Sire, tout d'abord ? Un jeune écrivain toulousain de 34 ans (plus jeune que moi, dur !), ayant fait ses débuts dans la poésie avec également une poignée de romans à son actif, et quelques essais, notamment liés à Google et Internet. Bref, un auteur intéressant mais sans aucun passé asiatique a priori (c'est important par rapport au livre que je vous présente).

Cet ouvrage, Avant la longue flamme rouge, paraît improbable chez un homme sans aucun passif au Cambodge tant le souci du détail y est grand. En effet, ce livre se passe à Phnom Penh de 1969 à 1975, lorsque le pays est en proie à une guerre civile sans précédent, avant la prise de pouvoir par les khmers rouges. Plus précisément, cela retrace l'expérience (véritable) de Saravouth, âgé alors de 11 ans au début des évènements, vivant « tranquillement » avec ses parents et sa petite soeur au début des conflits Bien sûr, vous l'aurez compris, d'une vie joyeuse d'enfant, le lecteur va être amené à suivre le héros jusqu'à sa vie d'adulte, complètement traumatisé, détruit, anéanti, avec « la mort vivant en lui ». Raconté de la sorte, cela ne fait pas envie, et pourtant…

Comme Petit pays de Gabriel Faye ou My Absolut Darling de Gabriel Tallent, Avant la longue flamme rouge est d'une violence à la limite du supportable, je ne vais pas vous le cacher. Il m'est arrivé à plusieurs reprises en le lisant de lâcher quelques jurons tellement ce que je lisais va à l'encontre d'une vie d'enfant telle que l'on veut tous la percevoir. Durant chaque lecture, j'étais prise en haleine dans cette horreur, pleine d'espoir pour le personnage de Saravouth, parce que lui garde pendant 6 ans un espoir communicatif, inimaginable bien qu'irréaliste. Pourquoi, pourriez-vous demander, continuer à lire un livre dont la violence et le malheur prédominent ? Justement pour ça, parce qu'il y a toujours une lueur d'espoir. Que les choses prennent une autre tournure, que tout ça, ce chagrin, n'ait pas été vain.

Après la longue flamme rouge n'a pas répondu à mes espoirs, ceux-ci sont tous morts au fur et à mesure des pages tournées, et c'est peut-être cela qui m'a laissée pantoise. La leçon que j'en retiens demeure très clichée, mais pourtant si vraie : on ne mesure pas la chance que l'on a de vivre en paix quand on n'a toujours connu que cela. Se sentir en sécurité. Ne pas craindre pour ses proches à chaque coin de rue, ne pas se méfier de ses voisins, sont des attitudes luxueuses qu'il ne faut pas perdre de vue. Évidemment, c'est une conclusion pleine de bons sentiments, mais la guerre (par ses traumatismes) continue tellement longtemps après la fin des combats que nous ne pouvons que remercier le ciel, l'Etat, Dieu, la République, que sais-je, de ne pas avoir à subir la peur permanente, associée généralement au chagrin monstrueux.

Par ailleurs, j'ai beaucoup aimé le style de Guillaume Sire. Il m'a fallu peut-être une trentaine de pages pour entrer dedans, avant d'en être mordue. Des phrases simples mais percutantes. Des descriptions fines du Cambodge, des odeurs, de la végétation, de la mousson, des couleurs du ciel m'ont procuré un vrai sentiment de voyage, ce qui n'est pas donné avec tous les bouquins. Seul bémol selon moi, les deux dernières pages sont inutiles et nous font redescendre d'un cran, alors que livre vibrait d'une telle intensité les 328 pages précédentes.

Un livre donc très dur, très abouti, très pensé.
Je ne serais pas étonnée qu'il gagne un ou des prix littéraires.


Jo la frite

Lien : http://coincescheznous.unblo..
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