Entre le jeune homme frustré mû par des forces irrépressibles et contradictoires et celui que l'on découvre quelques années plus tard, brisé par de multiples séjours en hôpital psychiatrique , Sol Elias déroule un récit d'une étonnante sensibilité. Un roman quelque peu perturbant voire inconfortable pour ceux qui ne sont pas à l'aise avec les textes dans lesquels l'omniprésence du ressenti compose une toile chaotique.
Il faut dire aussi que derrière le personnage de Manuel qui occupe pratiquement tout le récit, Sol Elias raconte la schizophrénie. Pas celle pervertie par l'univers médiatique et entretenue par l'imagination collective, mais celle qui empêche Manuel, assiégé par des pensées parasites et dissonances émotionnelles, de s'aimer et d'aimer les autres.
Au fil de ses introspections et de ses délires, c'est une succession de frasques et une longue errance ; un chemin recouvert d'un sentiment de colère, d'impuissance et de solitude qui colle aux semelles du jeune homme comme à celles de l'entourage familial. Avec la lucidité constante dont fait preuve Manuel sur son état, on guette une guérison ? Un apaisement ? un sursaut ? mais témoin d'une maladie imprévisible on ne sait pas trop quoi espérer au fil du roman qui a quelque chose d'absolutiste. La langue du narrateur aussi coupante qu'un rasoir suscite un léger trouble, un vague sentiment d'incompréhension tout comme elle laisse des crevasses béantes au sein de la famille, personne n'est épargné ou presque...seule la relation avec la petite Soledad semble offrir du réconfort et du répit. Mais jusqu'à quand ?
Loin des fictions qui décortiquent des vies énigmatiques, démystifient ce qui nous échappe ou se donnent pour mission de donner de l'ordre au chaos, Tête de tambour affirme une écriture tout en sensation.Les pensées s'insinuent partout, débordent des failles que les personnages n'essaient guère de dissimuler. On n'a pas affaire à un récit qui impose réellement un lien, il suggère tout au plus des peurs et des manques qui taraudent les personnages de nature à les rendre distants ou solidaires. Mais il reste essentiellement à la surface de la maladie, là où scintille un style tranchant, incisif, à vif.
Si la plume est habile, l'encre n'est pas indélébile, ce roman qui pèse un peu comme une chape de plomb risque d'être oublié très vite.
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Le roman alterne entre le récit de Anaël et de Manuel qui sont en réalité la même personne mais à deux époques différentes, ce qui n'est pas évident à la lecture. S'intercale également le récit de Soledad, la nièce d'Anaël/Manuel à qui il était très attaché. J'ai été assez déçue par ce roman qui m'intéressait beaucoup et qui me questionnait quant à la façon dont l'auteur allait traitait le sujet délicat de la schizophrénie. Il y a certes quelques passages intéressants et l'écriture est agréable mais pour moi le pari n'est pas tenu. En effet dans toute la première partie, Anaël/Manuel mêne une vie de luxe et de débauche qui ruine ses parents. Mais la question de "faire payer" ses parents pour sa maladie n'est qu'effleurée, et le personnage n'est pas encore diagnostiqué à ce moment. Si un tel cas de figure peut exister en vrai, je suis mal à l'aise avec l'idée que le lecteur puisse n'avoir que cette vision de la maladie.La fin du livre est plus réaliste, le personnage est en hôpital psychiatrique et l'on ressent réellement l'ennui et l'abrutissement lié à la forte prise de médicaments. Ce passage est bien traité, sans tomber dans la caricature même s'il reste pour moi bien trop court.
Quant à la relation oncle/nièce, je me demande un peu ce qu'elle apporte au roman. Le poids de la génétique n'y est que survolé..
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