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Critique de Upsilonn


Bonzi est lesbienne, travailleuse du sexe et pauvre. A la rue, elle regarde se succéder les passant-es, qui parfois lui donnent la réplique. Les femmes qu'elle interpelle grossièrement l'ignorent la plupart du temps et ne font que passer, mais d'autres personnages s'attardent. Au fil de conversations parfois absurdes, toujours ironiques, l'autrice met en lumière la violence de l'hétéropatriarcat.
J'ai trouvé cette lecture grinçante. Certains passages font rire, mais dans l'ensemble elle m'a surtout donné envie de m'insurger avec le personnage de Bonzi/avec Solanas. Les hommes que Bonzi rencontre sont tous imbus d'eux-mêmes, impatients de vanter leurs prouesses sexuelles et d'obtenir les faveurs du personnage. Leur sexisme éhonté n'est tolérable que parce que Bonzi se moque ouvertement d'eux, d'une façon très libératrice. J'ai d'ailleurs trouvé particulièrement drôle de les voir s'offusquer quand Bonzi leur annonce que le sexe, c'est son travail, et qu'il a un tarif. Bien sûr, puisqu'ils sont de tels dieux du sexe, pourquoi les ferait-elle payer ?
Mais le personnage le plus douloureusement insupportable est sans doute Ginger. Ginger, qui vient à la rencontre de Bonzi en lui expliquant qu'elle recherche sa "crotte", parce qu'elle avait l'intention de la manger le soir même au dîner devant ses invités masculins. Pour Ginger, il est essentiel de retrouver sa crotte, parce que, comme elle le dit, les hommes préfèrent les femmes capables de "manger de la merde" (en anglais, un des sens de "to eat shit" est de se soumettre, d'accepter d'être inférieur). Tout au long de leur conversation, Ginger expose les mille et une façons dont elle s'abaisse au quotidien face aux hommes, dans sa famille, dans son couple, sur son lieu de travail, pour ne surtout pas bousculer un système qui les avantage. Les répliques de Bonzi fusent pour railler la place étriquée où les années 60 relèguent les femmes et là encore, ouf, heureusement que son ironie intervient pour frapper là où ça fait mal.
J'ai trouvé le rythme très soutenu et entraînant, même si la symbolique de certaines scènes ne m'a pas toujours paru évidente. C'est la difficulté de lire une pièce sans représentation je pense, il manque un petit quelque chose pour que l'expérience soit totale. Ca ne m'a pas empêché d'apprécier le ton et le style de l'autrice. J'ai par contre trouvé très riche la préface de Wendy Delorme, qui donne quelques clefs de lecture intéressantes et réinscrit le texte dans son contexte de parution. Sans cela, le texte m'aurait sans doute paru beaucoup moins abordable. Sa traduction et les notes expliquant ses choix devant certaines expressions difficiles à retranscrire en français sont également très précieuses.
Je connaissais Solanas de nom et j'avais l'intention de lire SCUM Manifesto quand j'en aurais l'occasion, mais je ne m'attendais pas à tomber sur cette pièce d'abord. Elle m'a donné un nouvel aperçu de l'engagement de l'autrice et m'a confirmé mon envie d'en lire davantage.
Merci à NetGalley et aux éditions Mille et Une Nuits de m'avoir permis de découvrir ce texte !
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