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Critique de myrtigal


Après avoir lu tant de livres sur les Valois, ceux de Simone Bertière ou de Nicolas le Roux, dans lesquelles j'en ai énormément appris et qui ont d'ailleurs contribué à forger mon coup de coeur pour cette famille et cette période, j'ai voulu — comme je l'ai fait avec sa soeur Marguerite —, lire une biographie, à proprement parlé, de Henri III pour le découvrir et redécouvrir seul et plus minutieusement.

Henri III n'a pas été un monarque comme les autres. Il fut, à bien des égards, un roi singulier, au destin singulier.
Fils d'Henri II et de Catherine de Médicis, il grandit avec ses frères et soeurs dans la cour la plus illustre d'Europe. Fils préféré de Catherine, il n'est pas destiné à régner mais la mort successive de ses deux frères aînés l'amèneront sur le trône en 1574.
Il sera le roi des temps les plus troublés de l'histoire de France : celui des guerres de religions. Guerres dont il souffrira les conséquences tant politiquement que personnellement.

Le début et la fin de sa vie forment un contraste très saisissant. Alors que les débuts s'annonçaient prometteur pour lui, et ce malgré les troubles naissant, fils préféré de sa mère, sous le règne de son frère Charles IX il est nommé par ce dernier lieutenant général du royaume à seulement 16 ans. Il guerroie, mène des batailles, et jouit d'une image de jeune homme fort et courageux, image en parfaite adéquation avec le codes du temps. Et même si la tragédie de la Saint-Barthélemy portera un grand coup au règne de Charles IX mais aussi à la politique de conciliation longuement et durement mené par Catherine, Henri en sera néanmoins relativement épargné et continuera à jouer son rôle de frère du monarque et héritier du trône puisque Charles n'a pas encore d'enfants.
Puis il y aura l'épisode marquant de la Pologne ; Catherine cherchant désespérément un trône pour son fils cadet trouvera celui de la Pologne, électif et vacant, Henri y sera élu et partira pour ce pays lointain dont il sera roi. Expérience plutôt traumatisante et contraignante pour lui mais qui fort heureusement ne durera que quelques mois car en mai 1574, Charles qui avait déjà une santé fragile meurt. Henri parti de France un an auparavant en prince, y revient en roi.
Avec Catherine, mère et fils formeront un duo régnant, malgré les hauts et les bas d'une telle relation dans une telle fonction, et on le sait les Valois sont une famille complexe et qui aura vécu des temps encore plus complexe. Après la mort de François II le frère ainé qui n'aura régné qu'un an et meurt à 16 ans, du reste de la fratrie (si l'on excepte deux des filles mariés à des princes étrangers et qui ont donc quitté la cour), il reste donc Charles Henri François (né Hercule) et Marguerite et le moins que l'on puisse c'est que les relations entre ces quatre là seront particulièrement compliqués faites d'affection et de désaffection perpétuels, de jeux politiques et d'ego.

Mais au fur et à mesure, au long de son règne deux types de ruptures se produiront : une politique et une personnelle.
Politique, car la gestion des guerre de religion sera difficile et extrêmement complexe, on alternera en permanence entre guerre et édit de paix. Henri bien que fervent catholique et détestant les hérétiques, aura malgré tout, aux côtés de sa mère, une politique de conciliation. Mais ces incessantes conciliations lui aliéneront les catholiques les plus zélés qui s'uniront pour former ce qu'on appellera la Ligue, et dont le duc de Guise prendra la tête. Et ce ne sera pas la seule faction qui se créera puisqu'il y aura aussi les Malcontents, mouvements qui réunit à la fois catholiques et protestants qui ne reconnaissent plus dans la politique d'Henri III. Bref, des troubles civils qui prendront peu à peu une ampleur inquiétante et difficilement gérable pour un monarque. Il sera acculé sous les différentes pressions de toutes parts (Ligue, huguenots, Malcontents).
Mais ce qui achèvera de mettre Henri dans une position, à la fois inédite et surtout extrêmement critique ; c'est la mort de son frère cadet François d'Alençon, dernier héritier en l'absence de descendance, propulsant Henri de Navarre en héritier au trône. Si ce dernier est effectivement premier prince du sang il est surtout chef protestant, et cette situation inédite précipitera le royaume dans une tension sans précédent dans l'histoire de France, et servira de détonateur à la poudrière civile.

Personnelle ensuite ; car lui qui jouissait d'une si belle image quand il était prince, se déconnectera — malgré lui — peu à peu de son peuple quand il sera roi. Première raison, Henri voudra créer une sorte de nouvelle étiquette royale à travers un certains nombre de mesure dans le quotidien, sorte de précurseur de la fameuse étiquette sous les Bourbons qui fera de la vie du roi un cérémonial distancé, mais qui à cette époque arrive trop tôt et suscitera l'incompréhension de ses sujets et de la cour car le roi depuis toujours devait être proche et accessible. Seconde raison, la présence des célèbres Mignons. Ces favoris dont Henri s'entourait pour leur amitié, leur loyauté et leur témérité, mais dont l'ambiguïté — supposé, fantasmé — lui vaudront là aussi énormément d'hostilité. de plus Henri était un homme qui aimait à prendre soin de lui et soigner son apparence, il était passé du jeune héros guerrier à un homme délicat amant les belles choses et le soin, or en ces temps cela ne passe pas.
Troisième élément, qui ne passe pas également à cette époque c'est le mysticisme religieux. L'affliction dans laquelle le plongera la mort de certains être chers ainsi que le drame de la stérilité, l'amèneront à s'abîmer dans un excès de morbidité voire de fanatisme spirituel qui là aussi choquera tout son entourage et ses sujets.
Tous ces éléments contribueront à créer le terreau fertile sur lequel poussera la désacralisation de sa personne et de son statut, désacralisation qui ensuite permettra à envisager, pour la première fois, le régicide comme possibilité.
Le pas sera franchi le 1 aout 1589.

Cette biographie a été une excellente lecture, passionnante et à titre personnel bouleversante.
J'avais quelques craintes avant de la lire car je ne savais pas si Jean-François Solnon serait juste ou non envers Henri dans sa façon de le portraiturer. Mais j'ai été soulagée et ravie de constater qu'il n'en fut rien bien au contraire. Jean-François Solnon nous livre une biographie à la fois emphatique et juste. Il présente une analyse fine, cohérente et complète, documentée et éclairée du monarque singulier que fut le dernier des Valois.

Je le répète, à bien des égards Henri III était différent, à contre-courant, sa personnalité contraire aux codes et associé à ces temps terriblement troublés ont fait de lui la victime d'un travestissement historique qui aura duré très longtemps. Sa figure a déchaîné de passions. Il fut un roi décrié, mal connu, mal perçu à tord. On le découvre ou redécouvre dans un portrait plein de nuances, touchant, humain.
Il mérite aujourd'hui d'être connu et reconnu pour ce qu'il fut réellement : un roi soucieux, un roi bon, un roi tiraillé, un roi acculé et comme l'a écrit le chroniqueur Pierre de l'Etoile à son propos : « il était un très bon prince s'il eût rencontré un bon siècle… » 
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