Cette femme est complètement dingue, et moi, je suis dingue d'elle. Ma seule certitude aujourd'hui est qu'enfin le monde tourne dans le bon sens, que je suis à ma place, celle que je pensais ne jamais mériter.
- Sofia, situ savais à quel point je te désire, chuchote-t-il. Je n'ai pas le droit. Je ne peux pas, pourtant je n'arrive plus à résister, je me sens si vivant à tes côtés. Je ne suis pas celui qu'il te faut. Tu devrais fuir, je risque de te blesser. Et ça, je ne le veux pas.
Je dirige ma vie ! Plus jamais quelqu'un ne m'ordonnera ce que je dois faire pour être celui qu'on attend.
L'Amour.
J'étais sous le charme, envoûtée.
C'était vrai jusqu'à ce fameux matin.
C'était vrai jusqu'à ces quelques mots...
J’aime trop ma vie pour en vouloir, j’ai trop besoin de ma liberté. Si j’ai eu, à un moment donné, le faible désir d’en avoir, un médecin m’a très vite ramenée à la réalité. Il est quasi improbable que je puisse tomber enceinte. À vingt ans, difficile de digérer l’information, l’âge où on rêve du prince charmant accompagné d’une ribambelle de nains. À trente-cinq, je suis suffisamment aguerrie et je n’ai aucune envie de tout cela. Le prince est tombé depuis bien longtemps de son cheval, pas si blanc que ça. Crapaud un jour, crapaud toujours.
Partir régulièrement aux quatre coins du monde, nourrie, logée, blanchie, que demander de plus ? Moi qui me trouve constamment dans la fuite. Une aubaine. Il me faut observer, écouter, analyser afin de repérer d’où viennent la ou les failles. Ensuite, je dois mettre en place des stratégies pour arranger tout ce bazar. Le plus excitant reste la première partie, le côté espionnage. Je me retrouve à me rêver en James Bond girl, la tenue de latex noir en moins. Quoi que. Si on y réfléchit bien… Enfin bref, avant de me faire connaître officiellement, je me présente comme une cliente lambda. Je joue un rôle. J’invente un personnage. Je change de nom. Je ne suis plus moi et m’octroie un peu de répit. Mes démons peuvent me quitter l’espace d’un instant. Ce n’est que dans un second temps que je me place au sommet de l’échelle pour ordonner, diriger et tout remettre en place
L’amour, je lui en ai donné, tellement qu’il ne m’en restait plus. J’avais épuisé ce que je possédais, jusqu’à la dernière lueur d’espoir. Tout, tout s’évaporait avec lui. Ses magnifiques yeux resteraient à jamais gravés dans mon esprit et dans mon cœur. Son odeur, la douceur de sa peau à jamais dispersées telles les miettes de mon âme, enfin ce qu’il en restait, c’est-à-dire bien peu de choses.
On ne devient pas un chef de renom en se prélassant ou en profitant de grasses matinées. La seule chose importante était de le retrouver au plus vite, de me couler au creux de ses bras, de l’entendre murmurer des mots doux à mon oreille.
Lorsqu’il me regarde ainsi, je me sens la plus belle personne sur Terre. Je me noie dans un océan de plaisir. Je suis à ma place dans ses bras et je dois avouer que j’adore quand il a de nouvelles idées culinaires – même aux heures les plus tardives. Mais je ne l’avoue pas trop. Je crois que c’est ce qui lui plaît ; pouvoir jouer de cette espièglerie que je suis la seule à connaître.