AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de RogerRaynal


Ce court recueil (144 pages) regroupe deux nouvelles, « échos illusoires du Luth » (55 pages) et « Le goût en héritage » (89 pages).
La première nouvelle, qui est la plus courte, a un sujet de prime abord peu en rapport avec son titre (le luth en question étant, en fait, le koto) : après une conversation avec un ami qu'il n'a pas vu depuis longtemps, et qui va porter sur les diverses manifestations des fantômes, le héros s'inquiète de la santé de sa future femme alors qu'il rentre chez lui de nuit, par un chemin difficile. Nous suivons les cheminements de ses pensées, de ses doutes, et sa visite finale dans la famille de sa future, qu'il sait malade et pour laquelle il se met à craindre, sans raison, une issue fatale. 

C'est un récit bien mené, qui établit un parallèle saisissant entre l'état d'esprit du narrateur et sa façon de voir et de ressentir la nature tout autour de lui.

« Le goût en héritage » est une nouvelle très originale. On peut y lire une forte dénonciation des guerres d'expansion entreprises par le Japon, dont la guerre russo-japonaise, ce qui est très rare chez un auteur contemporain de celle-ci (Soseki avait trente-sept ans à l'époque). le début de la nouvelle, très particulier, se révèle férocement antimilitariste.

L'auteur du récit se retrouve dans la gare de Shimbashi, à Tokyo, alors que rentrent, sous les acclamations de la foule, les soldats qui reviennent du siège de Port Arthur (actuellement Lüshunkou), en Chine, alors sous contrôle russe. Ce défilé de survivants lui rappelle son ami Kô, qui lui ne reviendra pas. Après bien des réflexions, l'auteur se rendra au cimetière où est censé reposer ce qui reste de son ami, et où il fera une rencontre féminine. Il appliquera ensuite une de ses théories pour retrouver, à la manière d'un Sherlock Holmes japonais, celle qu'il n'aura fait qu'entrevoir lors de sa visite funèbre.

Dans cette nouvelle, Soseki alterne avec talent de magnifiques descriptions des moments, des ambiances ; et le déroulement de ses réflexions, qui passent souvent du tragique au comique. Il montre également un goût prononcé pour les découvertes de son époque en matière de génétique, une fascination que l'on retrouvera vingt-cinq ans plus tard chez Kawabata, dans sa nouvelle "illusions de cristal".

Il s'agit donc là d'un excellent recueil dont on ne peut que recommander la lecture.

Comme souvent chez Soseki, les deux récits ont une base autobiographique, et il est parfois difficile de séparer ce qui relève de l'invention et du souvenir.

La traduction/adaptation d'Hélène Morita est irréprochable. Elle connaît bien Soseki, pour en avoir traduit d'autres oeuvres (Botchan, À l'équinoxe et au-delà), mais s'occupe aussi des oeuvres de Kawabata, Osamu Dazai et Haruki Murakami. Quelques notes de bas de page précisent le contexte historique auquel Soseki fait référence.
Lien : https://litteraturedusoleill..
Commenter  J’apprécie          70



Ont apprécié cette critique (7)voir plus




{* *}