On sait depuis longtemps qu’une goutte suffit pour analyser la mer.
Et il m’a semblé que tout s’était déjà joué pour moi, qu’en dehors d’un miracle rien ne changerait plus dans mon avenir. Rien de bon ne pouvait m’arriver désormais. Finis aussi les promesses et les choix, et finies les victoires ! J’étais engagé sur la pente, j’avais franchi quelques-unes des portes que l’on ne repasse jamais plus et j’ai cru commencer devant ce miroir la définitive solitude.
Déjà trente ans ! Finie la jeunesse, ma jeunesse toute proche, si proche que je ne l’avais pas lentement sentie partir ! Finis tous les départs, tous les espoirs, tous les courages !
Et le silence devenait par moments tellement aigu que, pour atteindre à n’importe quelle paix désespérée, j’aurais voulu crier dans mon angoisse, si mon cri avait pu le rompre, mais rien ne semblait pouvoir le rompre, comme rien ne pourrait jamais annuler ce passé sorti de l’abîme, tellement abominable et présent qu’il ne me servirait plus à rien de vieillir. Seul, ce passé était vivant, réel. Je n’avais plus d’avenir.
...ma vie ne m’a plus semblé faite que de vagues sursauts de dégoût, de repentirs d’un jour ou d’une seconde et d’immenses périodes de cynismes, d’ambition, de calculs, de bassesses, de faiblesses, de cruautés, de luxure sournoise, presque de crimes.