AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Lenocherdeslivres


Une catastrophe a touché la terre. D'origine nucléaire ? Ou autre. On l'ignore, même si on s'en doute. Mais le monde est une vaste ruine recouverte de cendres où les derniers survivants tentent d'échapper aux mutations. Mortelles, ces mutations. La dégénérescence est partout. Quelques îlots tentent d'échapper au chaos. Et quelques individus surnagent, plus adaptés peut-être. Lottie et Férale sont de ceux-là. Ces deux pisteuses protègent les caravanes des dangers nombreux qui hantent les campagnes.

Férale, comme son nom l'indique (en latin, fera désigne une bête sauvage), est un monstre selon les autres humains. Il est vrai qu'elle a des yeux jaunes inquiétants, une maigreur affolante et une faim qui la tenaille en permanence. Quant à ses dents, elles sont pointues et aiguisées. Seule Lottie semble la comprendre. C'est elle qui l'a délivrée de la cage où elle croupissait, attraction d'un cirque. C'est elle qui lui a trouvé une place en l'engageant pour ses dons exceptionnels : elle sent les êtres dangereux de loin comme personne. C'est elle enfin qui la nourrit en traitant les aliments afin qu'elle puisse les avaler sans crainte que son corps ne les rejette.

Mais Férale ne peut se contenter de cette situation dans laquelle elle reste en marge de la société. Et où elle se sent isolée, seule de son espèce. Or, elle entend parler de Tonnerre, une cité comme il en existait dans le temps. Avant la Destruction. Ou du moins, qui essaie de subsister malgré la progression inexorable des mutations. Là-bas, les habitants pourraient peut-être faire quelque chose pour elle. Voire lui indiquer si il existe d'autres individus comme elle. Et elle en a désespérément besoin, de ne plus se sentir unique. Malgré tout l'amour que lui porte Lottie, sorte de mère adoptive, elle en crève de ne pas savoir d'où elle vient, de ne pas comprendre ce qu'elle est.

Tonnerre après les ruines est une passionnante quête : chaque personnage cherche qui il est et où est sa place. Comme nous tous me direz-vous. Mais dans ce roman, dans ce contexte de fin du monde où les marges bougent, où plus rien n'est certain, où toutes les anciennes habitudes sont remises en question. En plus, Férale ne ressemble à personne. Elle est entre deux mondes : celui des humains, qu'elle fréquente pour son travail, parce qu'elle accompagne Lottie ; celui des monstres, à qui elle ressemble et que craignent terriblement les êtres humains. Fragile malgré sa force physique impressionnante, ses réflexes phénoménaux, elle doit se trouver une famille. Sa quête est parfaitement racontée par Floriane Soulas qui a su imaginer ici et faire vivre des personnages profonds et forts, comme elle l'avait déjà fait, entre autres, dans Les Noces de la renarde.

Car Férale n'est pas la seule à se montrer vivante, faite de chair et de sang, de doutes et de peurs. Lottie, aussi, dont on a découvert l'ancienne vie dans le prologue. On sait dès les premières pages qu'elle vient de Tonnerre. Et qu'elle s'est échappée volontairement de cette cité car elle ne voulait plus être une sorte d'animal de laboratoire. Et que cela lui avait coûté beaucoup, puisqu'elle avait abandonné son enfant, juste née. Une blessure qui a forgé sa carapace, son caractère. Et qui explique qu'elle ne peut se livrer facilement, qu'elle garde des secrets en elle, qu'elle se montre incapable de livrer à Férale. D'où des incompréhensions, d'où des doutes encore, d'où des choix malheureux.

Elles ne sont pas les seules à hésiter, à se tromper. Toutes et tous sont à la limite du point de rupture. Et l'irruption des deux femmes à Tonnerre sert de déclencheur. Tout ce qui était prêt à exploser éclate. Difficile de vivre dans de telles conditions. Surtout quand un nouveau virus émerge, encore plus virulent, encore plus rapide : les personnes touchées se transforment rapidement en monstres aux dents qui transpercent leurs gencives afin de leur permettre de couper la chair humaine plus facilement. Car c'est de cannibalisme qu'il est question : ces mutants sont attirés avec force par le sang des femmes et des hommes.

Les derniers humains se sentent donc comme dans un bastion cerné par les ennemis. le moindre contact peut être synonyme de contagion (coucou, le Covid), la moindre erreur fatale. Chacun court après un rêve qui pourrait donner sens à une vie qui n'en a plus. La couverture, magnifique, de Xavier Collette est en parfaite adéquation avec l'ambiance de l'oeuvre : survivre est déjà tellement difficile dans ce monde en ruine, menacé par une nature devenue hostile, que conserver les valeurs qui caractérisaient l'humanité est quasiment impossible. Peut-être faut-il réinventer. Changer.

Très belle surprise que Tonnerre après les ruines. Si, au début, je me suis dit que j'avais affaire à un énième roman d'initiation YA, le ton sans concession, les personnages aux réflexions et aux préoccupations si fortes m'ont happé et m'ont forcé à tourner les pages, sans beaucoup de pause (pourtant, il y en, des pages). D'abord réticent devant Férale, j'ai rapidement adopté son point de vue et me suis passionné pour sa quête. Alors, oui, le déroulement de l'histoire ne m'a pas vraiment surpris et j'ai rapidement pressenti la fin. Mais le cheminement de cette héroïne et de ceux qui l'entourent m'a tout de même séduit. J'ai aimé affronter le ciel empli d'éclairs, la pluie acide avec Férale et Lottie. J'ai aimé chercher avec elles une façon de survivre, une façon de se comprendre malgré toutes les différences. J'ai aimé ce livre.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
Commenter  J’apprécie          264



Ont apprécié cette critique (26)voir plus




{* *}