D'une façon plus générale, chacun mâchonne comme un chewing-gum ses soucis, ses problèmes, ses peurs, ses ténèbres qu'il épaissit et auxquelles il donne une telle consistance qu'il les actualise et que lui-même s'en nourrissant, se détruit.
Elles (ndr : les spiritualités "new age") proposent des expériences de globalité d'autant plus recherchées que l'Occident n'offrait jusqu'ici que des philosophies desséchantes ne concernant que la pensée et n'ouvrant que sur du parcellaire. Cependant, les techniques employées, privées des milieux religieux ou culturels normatifs, desquels elles ont été extraites, peuvent conduire à des illuminations dont les sujets sont bien incapables de discerner s'il s'agit d'illusion ou de réalité. Les maîtres spirituels connaissent bien l'immense danger de ces pratiques scindées de leur humus traditionnel, qui peuvent conduire à la folie. Dans le meilleur des cas, il peut s'agir d'une expérience numineuse qui, selon les lois ontologiques, précède nécessairement le chemin des morts-renaissances intérieures, mais dans ce cas, l'expérience exige aussi nécessairement de prendre ce chemin, et, le sujet ne le sachant pas, non seulement ne le prend pas, mais se croit arrivé ! Le germe du "Fils" est alors stérilisé.
Les faiseurs de miracle affluent.
Le Dieu d'Israël conduit les Hébreux en terre de servitude pour que ceux-ci voient et nomment leurs esclavages.
Seul Moïse, dans un premier temps, va comprendre. Moïse est en filigrane, sous le nom voilé de HaShem, YHVH, la conscience naissante, une lumière, dans les ténèbres de l'inconscience d'Israël. L'inconscience se révolte contre les tyrans du monde; elle hurle sa colère et dégaine l'épée.
La lumière ne peut venir que des ténèbres assumées.
Le conscient - côté lumière de l'Arbre de la Connaissance que chacun est appelé à construire - doit épouser l'inconscient - côté ténèbres, riche du noyau de l'Etre, sa semence formée de l'"image divine".
La terre d'esclavage est une matrice pour qui se verticalise, un tombeau pour qui s'éprend d'elle.
Au départ l'Homme est « coupé de lui-même », totalement confondu avec son inconscient. Un processus de différenciation est à mettre en oeuvre.
Ce processus de différenciation est celui-là même auquel accède Moïse en quittant l'Egypte pour aller vers une terre étrangère où il se marie. Ce mariage de Moïse avec une femme étrangère nous annonce ses épousailles intérieures avec un aspect « femelle » de lui qu'il ne connaissait pas auparavant.
Le vrai mariage de l'Homme avec son cosmos intérieur (car il peut y avoir là aussi tant d'illusions) l'ouvre à la connaissance naturelle du cosmos extérieur puisqu'ils sont les deux pôles d'une même réalité dont le secret est au plus profond de l'intériorité, mais dont on peut très vite faire l'expérience.
L'inverse : la connaissance du monde extérieur, si elle conduit parfois à celle du cosmos intérieur lorsque le cœur reste ouvert, est beaucoup plus souvent un chemin labyrinthique, sans issue, épuisant, voire mortel !
le serpent de la Genèse est celui qui amène l'Homme à n'acquérir la connaissance que par l'extérieur. Cet homme reste alors étranger à ses richesses potentielles qui fondent son être psychique ; celles-ci deviennent ses "démons" ; elles se retournent pour une grande part contre lui et le dévorent.
Notre vocation profonde n'est autre que celle d'épousailles et de maternité ; épousailles avec notre côté caché des profondeurs, et enfantement du divin dans une tout autre dimension de nous-mêmes. Cette vocation est aussi inscrite dans le nom d'Adam.