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Critique de hcdahlem


Les pulsions malsaines de Paul

Le premier roman de Bénédicte Soymier s'attaque aux violences conjugales en racontant le parcours de Paul qui espère chasser ses démons en trouvant l'amour. Sa nouvelle voisine et sa collègue veulent aussi y croire.

Paul est sans doute ce qu'on appelle un célibataire endurci. Il est moche, ne sait pas s'habiller et s'irrite des remarques désobligeantes des clients et des collègues de la poste où il remplit consciencieusement son travail. S'il n'aime guère être dérangé dans ses habitudes, il va finalement trouver que le départ de ses voisins a du bon. La nouvelle propriétaire est belle comme un coeur et va vite devenir pour lui une obsession. Il s'achète un nouveau carnet, un stylo Mont-Blanc et note toutes les informations qu'il peut recueillir sur Mylène. Professeur des écoles, elle enseigne à une classe de CE2, monte à cheval et part tous les week-ends. Et son humeur un peu maussade au début semble plus joyeuse au fil des jours. Il échafaude un scénario pour l'aborder. L'occasion va se présenter lorsqu'elle laisse tomber son courrier dans le hall. Il se précipite et l'aide avant de l'inviter à prendre un verre. «Elle accepte. Il jubile, ravi et léger, soudainement détendu; il se fait désinvolte et l'invite dans la cuisine où les verres se remplissent et les rires se répandent. Il raconte la Poste, les collègues et les clients capricieux, les demandes insolites et les idioties, elle rit. Elle rit et lui est heureux. Il a tant rêvé cet instant, des nuits entières, conscient de la vanité de son espoir, et voici qu'ils discutent, assis dans sa cuisine comme des amis de longue date.»
Elle reste tard. Accepte un dernier verre. Lâche prise. Elle est déjà sous son emprise, mais s'imagine pouvoir résister. Elle ne dira non qu'à moitié le jour où il l'embrasse, elle ne se donnera aussi qu'à moitié. Mais au réveil, elle se rend compte que leur amitié n'aura été qu'une illusion. Désormais, elle évite Paul et, après une altercation dans le hall de l'immeuble cherchera à se consoler dans les bras d'un autre.
Paul va du reste lui aussi essayer d'oublier Mylène en se tournant vers sa collègue Angélique avec laquelle il entame le même jeu de séduction, avec laquelle il va assouvir son besoin de sexe. C'est rapide et brutal. C'est un nouvel échec. «Angélique est belle les cheveux emmêlés, pâle et froissée, assise sur son canapé. Elle serre les genoux et lisse son chemisier. Paul ramasse sa détresse, un regard en pleine face; la tristesse qu'il remarque, elle est pour lui. Lui, l'arrogant et le vulgaire. La bête. Il sent la bile à son palais. Tout ça, c'est de la faute de Mylène. Non. Même pas. C'est de la sienne. Il se dégoûte.»
Alors il essaie de s'amender, de ne plus s'énerver chaque fois qu'un homme jette un regard sur elle, évalue ses seins et ses fesses. Alors, il lui propose de l'emmener un week-end en bord de mer, il va même lui offrir de s'installer chez lui avec son fils. Mais sa jalousie, aussi maladive qu'infondée, le pousse à commettre à nouveau l'irréparable. Il cogne, il frappe, il meurtrit.
«Elle pourrait partir, elle qui vient de s'installer, la tête emplie d'espoir, partir comme le conseille l'article parcouru dans Elle ou Marie Claire. Elle pourrait remplir ses cartons et ses sacs. Elle pourrait, mais elle ne peut pas, parce qu'elle croit à l'amour, à la rédemption et aux choses qui changent. Elle se tait. Ferme les yeux.»
Bénédicte Soymier est infirmière. Elle pose ici un diagnostic qui a dû se nourrir des histoires entendues, de témoignages, de récits de femmes désespérées. Un homme violent peut-il changer? Loin de tout manichéisme, elle creuse ce lien entre deux personnes, aussi solide que fragile. Jusqu'où faut-il aller avant qu'il se rompe? Et une fois rompu se sent-on mieux pour autant? En creusant jusqu'au racines de la violence conjugale, elle réussit un roman fort, qui touche au coeur.


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