En ce sens, c'était vrai : il s'était dit plus d'une fois que nous bricolons notre personnalité dans l'urgence, pour mettre le plus vite possible le couvercle sur le malaise que nous ressentons en présence des autres.
Il me semble qu'on sait bien, dans presque toutes les situations de notre vie, ce qu'il faudrait se contraindre à faire, mais sans toujours y arriver : on perd la plupart du temps contre soi. Les vrais cas de dilemme que nous vivons reposent souvent avant tout sur la gestion de notre culpabilité, et non sur la difficulté de cerner quelle serait la bonne voie à suivre. D'ailleurs, dans la très grande majorité des cas, quand nous demandons conseil, ce n'est pas par incapacité à distinguer le bien du mal, mais tout simplement pour être conforté dans la décision que nous avons déjà prise : être moins vertueux que nous devrions l'être, être aussi égoïste que nous avons envie de l'être.
Des petites pousses sauvages sont amoncelées aux frontières de son front; des petits cheveux trop frisés, trop courts et trop fins, qui ont été écartés du projet commun de chignon et boudent en se repliant sur eux-mêmes.
Si l'art nous fait du bien, ce n'est pas en raison de sa cohérence, mais bien parce qu'il nous permet de voir, en les magnifiant, nos propres incohérences avec plus de tolérance et de tendresse.
Il n'a jamais été quelqu'un de propre, craignant davantage les corvées que la malpropreté; la rigidité des obligations que le déclin tranquille et entropique de la négligence. Il s'est toujours plu dans sa saleté, y voyant une sorte de confirmation de son unicité, de sa précieuse incapacité à se plier aux contraintes qui régissent si facilement la vie de tous les autres – y voyant, en bref, une nouvelle preuve de son génie.
C'est notamment parce que nous savons aisément comment bien agir que nous nous sentons si coupable de ne pas le faire.
Nous consacrons toutes notre énergie à sacraliser nos obsessions, nos objectifs, nos projets - puis la mort et quelques années seulement suffisent pour en faire éclater au grand jour la fatale absence d'importance.