J'ai vu des centaines d'hommes passer sur les routes et dans les ranches, avec leur balluchon sur le dos et les mêmes bobards dans la tête. J'en ai vu des centaines. Ils viennent, et, le travail fini, ils s'en vont; et chacun d'eux a son petit lopin de terre dans la tête. Mais y en a pas un qu'est foutu de le trouver. C'est comme le paradis. Tout le monde veut un petit bout de terrain. Je lis un tas de livres ici. Personne n'va jamais au ciel, et personne n'arrive jamais à avoir de la terre. C'est tout dans la tête. Ils passent leur temps à en parler, mais c'est tout dans leur tête.
Mais pas nous ! Et pourquoi ? Parce que … parce que moi, j’ai toi pour t’occuper de moi, et toi, t’as moi pour m’occuper de toi, et c’est pour ça.
Il éclate d’un rire heureux.
Je peux te dire un tas de conneries. Ça n’a pas d’importance. Ce qui compte, c’est d’être avec un autre. Voilà tout.
Y’a pas besoin d’avoir de la cervelle pour être un brave type. Des fois, il me semble que c’est même le contraire. Prends un type qu’est vraiment malin, c’est bien rare qu’il soit un bon gars.
La lueur rouge pâlissait sur les braises. En haut, dans la colline au-dessus du cours d'eau, un coyote aboya, et un chien lui répondit de l'autre côté de la rivière. Les feuilles des sycomores murmurèrent au souffle léger de la nuit.
Les feuilles des sycomores murmurèrent au souffle léger de la nuit.
- Je croyais que t’étais fâché avec moi George.
- Non, dit George. Non, Lennie. J’suis pas fâché. J’ai jamais été fâché, et je le suis pas maintenant. Ça, c’est une chose dont j’veux que tu sois bien sûr.
Les voix se rapprochaient. George leva le revolver.
Ce qu'il faut à un homme, c'est quelqu'un... quelqu'un près de lui.
- Les types comme nous, qui travaillent dans les ranches, y a pas plus seul au monde. Ils ont pas de famille. ils ont pas de chez-soi. (...)
Lennie était ravi.
- C'est ça... c'est ça. Maintenant, raconte comment c'est pour nous.
George continua :
- Pour nous, c'est pas comme ça. Nous, on a un futur. On a quelqu'un à qui parler, qui s'intéresse à nous. On a pas besoin de s'asseoir dans un bar pour dépenser son pèze, parce qu'on a pas d'autre endroit où aller. Si les autres types vont en prison, ils peuvent bien y crever, tout le monde s'en fout. Mais pas nous.
Lennie intervint.
- Mais pas nous ! Et pourquoi ? Parce que... parce que moi, j'ai toi pour t'occuper de moi, et toi, t'as moi pour t'occuper de moi, et c'est pour ça. (p.43-44)
Mais pas nous ! Et pourquoi ? Parce que... Parce que moi, je t'ai toi pour t'occuper de moi, et toi, t'as moi pour m'occuper de toi, et c'est pour ça.