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Critique de PaulineDeysson


Nul n'ignore le désastre économique qu'a représenté la Grande Dépression dans les années 1930 aux États-Unis. On se souvient moins, peut-être, de la catastrophe humaine qui marqua cette époque : après avoir lu Les Raisins de la Colère, il devient impossible de l'oublier. Steinbeck y met en scène la famille Joad, expropriée et contrainte de quitter son Oklahoma natale pour émigrer en Californie. À travers ces individus en quête d'une vie meilleure, d'un travail et d'un avenir, qui ne rencontrent partout que mépris et racisme, la petite histoire rencontre la grande Histoire : c'est un chef d'oeuvre poignant, violent, où l'amour et la haine s'entrelacent dans la lutte pour la survie.

Les Raisins de la Colère alterne les points de vue des différents Joad. Principalement centré autour du fils cadet Tom Joad, qui sort de prison au début du roman et porte sur son pays dévasté un regard neuf après plusieurs années d'isolement, le récit donne à voir, à travers des dialogues habilement menés et une narration indirecte libre efficace, les pensées de ses parents, grands-parents, frères et soeurs. Les chapitres relatant le périple des Joad alternent avec des chapitres à narration externe qui dépeignent le contexte dans lequel s'inscrit ce que traversent les personnages, décuplant l'horreur du capitalisme qui broie leur vie ainsi que des millions d'autres. Au fil du voyage, la famille se délite, les personnalités s'exacerbent et les rôles s'inversent alors que la mère prend le pas sur le père et que la tendresse triomphe paradoxalement de la méfiance.

Déroutant : tel est le terme qui me vient à l'esprit pour résumer Les Raisins de la Colère. Les trente chapitres du livre donnent à voir une sourde montée en puissance. On attend un orage, une tempête, une explosion devant l'injustice et les tragédies qui frappent les Joad ; le roman s'achève cependant sur la perspective lointaine du printemps, plutôt que sur l'hiver tout proche qui guette les personnages. Agriculture de masse, environnement, économie, immigration, ce texte donne à réfléchir sur le coeur humain mais aussi sur toutes les composantes du monde moderne, et particulièrement sur les entreprises qui déshumanisent leurs créateurs et leurs collaborateurs jusqu'à l'autodestruction. John Steinbeck signe ici un récit inoubliable et rappelle, non sans une cruelle ironie, que la poursuite du bonheur fait partie des droits fondamentaux de l'être humain (dixit la Déclaration d'indépendance des États-Unis).

J'ai été particulièrement surprise par la fin du roman et je n'ai cessé d'y repenser pour tenter d'y trouver un sens. C'est pour moi une image emplie d'une grande délicatesse, de poésie mais aussi d'une détermination sans faille qui, en dépit de tout, pousse à se battre pour un monde meilleur même si, comme dans Des souris et des hommes, le lecteur est ici laissé seul juge des actions des protagonistes.

Pauline Deysson - La Bibliothèque
Lien : http://www.paulinedeysson.co..
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