AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de colimasson


Rudolf Steiner commence son ouvrage en nous suggérant une expérience d'immersion : vous vivez un événement. Plus tard, vous vous souvenez de cet événement en le visualisant sous la forme d'un souvenir. « Souvenir » : ce mot simple est utilisé pour définir une série d'évocations sensorielles qui n'appartiennent qu'à l'individu propre, sans possibilité de transmission exacte. Imaginons maintenant un souvenir qui ne provienne plus de l'individu mais qui arrive à l'individu depuis l'extérieur : on commence alors à entrevoir la possibilité d'une compréhension du monde spirituel.


Les pensées englobent plus généralement le phénomène des souvenirs dans le domaine du monde physique –ce monde dans lequel nous avons un corps de chair et dans lequel nous débattons depuis des millénaires pour savoir si corps et âme ne font qu'un ou sont duels. Aux images-souvenirs du monde directement supérieur (éthérique) correspondent des êtres et des forces ambiants qui vivent avec et dans l'âme. Que l'on considère la force que doit déployer l'individu physique pour s'éloigner de ses pensées, et que l'on imagine à présent l'effort supérieur nécessaire à l'individu éthérique pour garder son indépendance vis-à-vis de ces êtres, et l'on comprendra qu'on ne peut pas franchir le seuil du monde spirituel sans une préparation minimale.


Tout individu possède cette force, mais il ne le sait pas forcément consciemment. Il peut le soupçonner, mais craindre d'en faire l'usage s'il ne se sent pas prêt. Ainsi expliquerait-on les critiques violentes et acharnées des partisans d'un rationalisme qui ne laisse pas de place aux hypothèses spirituelles.


La force que doit développer l'individu qui souhaite reconnaître le monde spirituel est une force d'autonomie. En développant son sentiment du moi, les forces et les êtres ambiants extérieurs ne pourront plus exercer les influences négatives que peut provoquer une mauvaise compréhension de leur nature. A ne pas confondre avec un égoïsme exacerbé, cette force du moi doit permettre de prendre conscience du noyau de son individu. Dans le monde physique, l'occultiste qui se sent prêt à franchir le monde spirituel doit deviner l'être éthérique qui subsiste derrière ses pensées. Même si Rudolf Steiner n'évoque pas le karma, cet être éthérique semble être celui qui traverse les différents états incarnatoires de l'âme.


Rudolf Steiner s'adresse ici à des lecteurs déjà aguerris à la topographie lexicale de son anthroposophie. Ses affirmations occultes proposent une vision cosmique séduisante qui réussit peut-être à susciter l'approbation par leur grande finesse psychologique. En d'autres termes, et dans la poursuite de sa construction cohérente de l'anthroposophie, Rudolf Steiner cherche particulièrement à exacerber les forces individuelles de ses lecteurs/auditeurs en leur faisant prendre conscience d'une nouvelle forme de monadisme, fortement intégrée aux forces totales de l'univers. Il répond ainsi à la grande angoisse des derniers siècles matérialistes : comment concilier mon individualité avec la totalité ? En réalisant un travail de prise de conscience mené à son rythme et selon ses possibilités (qui sont peut-être nulles ?), l'individu peut se préparer à intégrer le monde éthérique en fournissant à son corps éthérique suffisamment de matière personnelle pour qu'il ne se fasse pas happer, comme le serait une âme inconsistante qui a cherché à éviter toutes ces interrogations au cours de son existence physique.


Que veut dire « se préparer » ? Sans doute doit-on ouvrir le grand ouvrage de la Science occulte de Rudolf Steiner pour s'en faire une idée… l'autonomie a ses limites. Ici, l'obéissance est justifiée par la clairvoyance. Et la clairvoyance semble être la capacité donnée aux individus les plus avancés dans la perspective karmique. Libre à soi de trouver dans cette théorie un moyen d'évolution exaltant ou un soliloque exalté relevant du charlatanisme –mais alors que les sceptiques ne laissent rien d'autre que des territoires stériles derrière eux, on ne peut retrancher à Rudolf Steiner la vertu dynamique et puissante de ses conceptions.
Lien : http://colimasson.blogspot.f..
Commenter  J’apprécie          190



Ont apprécié cette critique (13)voir plus




{* *}