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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
[Livre remporté lors d'une Masse Critique, encore merci à l'équipe Babelio et à l'éditeur]
Un récit poignant, complètement bouleversant ! Les thématiques abordées sont très dures mais il est nécessaire d'en parler. L'auteure nous relate son expérience personnelle face au déni qu'a engendré son viol lorsqu'elle était adolescente. Son déni à elle, mais aussi celui de ses proches et des autres. Au travers de diverses interviews, elle tente de retracer ces événements douloureux ainsi que de découvrir qui était son violeur. Elle aborde également les conséquences des traumatismes et notamment leurs répercussions sur le ressenti de la peur. Les mots utilisés par l'auteure sont tellement justes et bien choisis.
Ce livre est une belle leçon d'espoir pour toutes les victimes de la terreur, qu'elle soit engendrée par un viol, la guerre ou autre.
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Je remercie Babelio et les Éditions des Femmes-Antoinette Fouque pour m'avoir adressé ce livre dans le cadre de la Masse Critique de février 2020.

J'avais sélectionné ce livre dont le sujet m'apparaissait très intéressant au regard de la démarche actuelle de dévoilement des actes de violences sexuelles, et de la personnalité de l'auteure, spécialiste internationale du terrorisme.

Ce livre n'est cependant pas la simple autobiographie d'une victime devenue adulte à la recherche de celui qui l'a violée, ainsi que sa soeur, sous la menace d'une arme, alors qu'elles avaient respectivement quinze et quatorze ans.

Non, comme l'auteure elle-même l'indique, il s'agit bel et bien d'un mémoire, d'un travail de recherche, évidemment à partir d'une base profondément personnelle, sur les effets engendrés par des épisodes de violences subies par des victimes : victimes de guerre, de viol, soldats de retour au pays …

Car l'auteure explore à la fois sa propre recherche de la compréhension de divers comportements qu'elle a développés après ce viol qui a détruit son adolescence et sa vie d'adulte, mais aussi à travers l'histoire familiale, le déni des douleurs portées par son père rescapé de la Shoh, et l'impossibilité pour lui d'évoquer avec ses enfants leur mère morte très jeune d'un cancer.

On suit le cheminement intérieur, les pensées et les sentiments – ceux qu'elle tient tant à repousser – de cette éminente spécialiste du terrorisme, qui l'assaillent au fur et à mesure de sa quête pour retrouver son violeur, l'entourage de celui-ci et d'autres victimes potentielles.

Le déni, qui l'a aidée à faire face à de sombres crapules, lui aurait ainsi permis de développer des facultés d'hypervigilance que l'on retrouve fréquemment dans les états de stress post-traumatiques (ESPT). Mais d'autres conséquences physiques et psychologiques sont beaucoup plus lourdes à porter : distanciation extrême vis-à-vis du ressenti d'autrui pour ne pas se confronter au sien propre, perte de repères spatiaux, somnolence, …

Elle évoque la honte qui semble marquer toute personne qui se déclare victime de violences, le regard des autres qui change, l'impossibilité parfois à se considérer pleinement comme une victime.

Son travail de recherche sur les effets du déni de terreur par la victime elle-même, son entourage, voire la société, est tout à la fois violent et passionnant. Violent, car pour se départir de ce déni, il faut poser enfin des mots sur des actes (et quel acte de bravoure que d'oser lire les dossiers des autres victimes, rangés dans la corbeille de la cheminée !) ; passionnant, car Jessica Stern évoque différentes typologies de ce déni, et notamment les traumatismes transgénérationnels et les effets d'un manque de communication à ce sujet sur les enfants et petits-enfants de ceux qui les ont subis. Elle s'interroge également, avec effroi, sur la persistance de la colère, rentrée bien souvent, face à une violence subie, qui amènerait une ancienne victime à devenir elle-même un agresseur.

Malgré mon grand intérêt, j'ai cependant eu bien du mal à lire ce livre, notamment du fait enfin de l'empathie que je n'ai pu manquer d'éprouver pour l'auteure.

La distanciation éprouvante qu'elle s'impose pour ne pas ressentir elle-même cette empathie qui la ferait s'effondrer, c'est ce que j'ai essayé de pratiquer tout au long de cette lecture, que j'ai dû hâcher, jour après jour, pour ne pas y succomber.

C'est un livre dont je relirai certains passages, car la réflexion qu'il offre sur le silence organisé autour des violences subies est un vrai coup de pied dans une fourmilière encore trop « susceptible » à cet égard, même si l'édition initiale date de 2010, et que « MeToo » a depuis fait exploser le système.

Il s'agit donc d'un ouvrage que je recommande aux victimes de violences, car il peut les aider dans leur cheminement vers la guérison ou, à défaut, à la prise de conscience de leur « statut de victime » et à ceux qui s'interrogent également à cet égard, mais avec de grandes précautions tant il est bouleversant.

lirelanuitoupas.wordpress.com
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Bravo aux Editions des femmes d'avoir fait traduire et éditer cet ouvrage remarquable sur l'humiliation et la terreur. A partir du viol que l'autrice a subi à 15 ans par un violeur en série, de l'histoire de sa famille sous le nazisme (sa grand-mère sans doute violée par les allemands, grand-père incestueux, père autoritaire...) Jessica Stern, devenue spécialiste du terrorisme, employée par différentes agences gouvernementales étatsuniennes, enquête auprès de sa famille, des agresseurs et des terroristes, notamment du Hamas. Elle démontre de façon implacable que le viol, l'inceste, l'humiliation, sont épidémiques, contaminant le corps social, se répandant dans les entourages et à travers les générations. Les symptômes d'ESPD (Etat de Syndrome Post-Traumatique, PTSD en anglais) : absences, engourdissement, hypervigilance, réactions anormales... sont communs aussi bien aux victimes d'agressions sexuelles, viols, qu'aux soldats ayant fréquenté des zones de combat intenses et violents. le mémoire qui se lit comme un polar a été récompensé par le Washington Post comme meilleur ouvrage de non-fiction. Un plaidoyer contre le déni aussi bien des victimes que de la société de ces terribles blessures psychiques qui ne se voient pas. A mettre entre les mains des professionnels de médecine, psychologues, psychiatres, policiers, et professionnels de justice.
Lien : https://hypathie.blogspot.co..
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Jessica STERN ou la volonté de comprendre

Spécialiste du terrorisme reconnue, Jessica STERN est l'auteur de livres de référence, dont un best seller de 2015 (non traduit en français) sur l'organisation "Etat islamique", appelée aujourd'hui plus couramment "Daech" et en anglais "Isis", écrit en collaboration avec JM BERGER. Début 2020, elle fait paraître un livre issu de deux ans d'entretiens dans sa prison en 2014-16 avec Radovan KARADZIC, théoricien et organisateur d'actions génocidaires en Bosnie, dont le fameux massacre de Srebreniça en 1995. Celui-ci est une des références majeures des suprémacistes blancs auteurs de massacres de masse de ces dernières années en Norvège et en Nouvelle-Zélande.
Elle s'explique ainsi sur son site face à ceux qui l'accusent de "complaisance" :

https://jessicasternbooks.com/why-listen-to-evil-men/
Cette volonté de comprendre peut-elle nous armer contre la répétition des actes violents ? Avant de répondre à cette question, se pose celle des effets de la violence subie.

Tel est l'objet du livre "Déni" qui part d'une violence subie personnellement : le viol de Jessica Stern et de sa soeur chez elles par un inconnu, jamais retrouvé, alors qu'elles avaient quinze et quatorze ans, en 1973.

Ce n'est qu'en 2006, qu'après avoir consulté une thérapeute et ainsi appris qu'elle "souffrait peut-être d'un état de stress post-traumatique (ESPT)" (p 12), qu'elle se décide à revenir sur cette affaire et à demander copie du rapport de police.
C'est le début d'une longue enquête doublée d'une prise de conscience des différents dénis qui ont suivi cet événement.
le livre rend scrupuleusement compte du ressenti de l'autrice aux différentes étapes, ainsi que des révélation collatérales qui accompagnent son enquête.
J'apprécie particulièrement le va et vient entre ce vécu et la théorisation progressivement exposée des effets et des causes de la violence sexuelle qui permet d'élargir le champ à toutes les expériences comparables.
C'est ce qui rend ce livre à la fois prenant et éclairant.

Je prends ainsi conscience de la force du déni qui s'exerce à tous les niveaux.
"J'ai vite réalisé que j'avais oublié la plupart des détails du viol, même si je n'étais pas une enfant en bas âge au moment des faits."(p 13-4)
"Apparemment, la collectivité toute entière était en situation de déni. Les policiers avaient bâclé l'enquête. Ils avaient rapidement abandonné les recherches. Ils ne nous ont pas crues, ma soeur et moi, quand nous leur affirmions ne pas connaître notre agresseur. Et le viol sous la menace d'une arme était une chose inimaginable dans la petite ville de Concorde, Massachusetts, en 1973."(p 14-5)
Et ce déni existe aussi dans l'entourage des victimes "qui veut reprendre sa vie". (p 15)

Or, ces dénis ont différentes conséquences. le déni personnel se traduit par un mélange d'hypo et d'hyper-sensibilité ( ce qu'on appelle des états dissociés) . le déni policier par de nombreux viols potentiels d'enfants supplémentaires. le déni familial par le renforcement d'autres dénis antérieurs et leurs compensations pathologiques (recherche du danger par exemple).

Un élément fondamental de ces différents dénis est la honte.
Honte que l'on va retrouver du côté des proches de l'auteur du viol, une fois celui-ci découvert grâce à l'action d'un policier qui réouvre l'enquête.
Car celui-ci est finalement identifié post-mortem. Et on lui attribue rétrospectivement pas moins de 44 viols commis entre 1971 et 1973 sur des jeunes ou très jeunes filles de 9 à 19 ans. Il a été en fait poursuivi, 10 jours après le viol de Jessica et sa soeur et incarcéré pour trois d'entre eux, bien qu'il nie toute responsabilité. de fait, la plupart de ses crimes restent non élucidés pendant 33 ans. Après sa libération, dix-huit ans plus tard, il revient dans sa ville natale de Milbridge, Massachusetts, où il vit dans un état de semi-clochardisation sous la surveillance de la police locale. Il finit par se pendre à l'âge de 59 ans, en 2006, dans la maison de sa mère.
Suit une longue enquête de l'autrice sur son entourage pour tenter de reconstituer son itinéraire et ses motivations. Puis auprès de ses autres victimes.
On partage avec elle également son auto-investigation sur les effets de ce viol sur elle et sur les réactions de son entourage à elle, qui permet de mettre au jour les autres traumas familiaux : enfance de son père dans l'Allemagne nazie, mort prématurée de sa mère...
Il en ressort peu à peu que le violeur est lui-même certainement en état de stress post-traumatique : "Les personnes qui ont connu Brian Beat dans sa jeunesse le décrivent comme un garçon "beau", "brillant" et "sympa" la plupart du temps. Mais ce garçon était aussi capable d'actes de cruauté imprévisibles et gratuits, surgissant à l'improviste, comme s'il se transformait subitement en un autre individu." (p 328)
Les éléments biographiques recueillis induisent différentes hypothèses sur les traumas qu'il a pu subir : il apprend qu'il est un enfant adopté "dans une cour de récréation de la bouche d'un enfant qui cherchait à le blesser et sans plus de précisions", "bien qu'il ne fût pas ouvertement homosexuel (...) il fréquentait les bars gays et avait été exempté su service militaire en raison de son homosexualité alléguée", "il avait grandi dans une partie du Massachusetts qui était un point de chute pour prêtres pédophiles (...) L'église que fréquentait sa famille, en particulier, a été marquée par une série de prêtres prédateurs(...) Il existait des rumeurs d'abus sexuels au sein de son école élémentaire du temps où il y était scolarisé"(p 329).

Dénis sociaux et institutionnels

Quelques éléments de contextualisation sont apportés. Tout d'abord sur la pédophilie dans le diocèse de Boston. le scandale n'éclate qu'en 2002. Jessica Stern en rencontre une victime qui s'attache à transformer la honte en rage. Car si l'Eglise a finalement retiré son ministère au prêtre qui l'a utilisé comme objet sexuel pendant des années, "apparemment elle ne considère pas la pédophilie comme un péché suffisamment grave pour justifier une excommunication. Voici les crimes qui constituent les péchés les plus graves aux yeux de l'Église : tenter d'absoudre une personne ayant commis l'adultère, subir un avortement, violer le secret de la confession, blesser physiquement le pape. Mais persuader un enfant, de façon répétée, que se laisser sodomiser par un prêtre est un acte d'amour, non." (p 277) le prêtre violeur est même invité par l'évêque du Texas une fois mis en cause (ibidem).
On trouve ici en filigrane encore une fois l'idée universellement répandue que la victime a fait preuve de faiblesse, voire de complaisance envers son agresseur. Cette pensée maligne alimente le déni social et institutionnel. Elle contribue à entretenir la honte et le silence.
On retrouve la rage face à ce déni avec le récit d'une autre victime de Brian Beat que Jessica Stern finit par retrouver et rencontrer.
"Quand je lui ai remis la liste des viols commis dans son quartier en 1971, Lucy était furieuse. Si seulement la police avait informé la population locale, a-t-elle dit, elle n'aurait sans doute jamais été violée.A ce moment-là, il y avait déjà eu onze incidents dans un périmètre restreint autour de l'Université de Radcliffe." (p 322)
La raison avancée par le commissaire de Harvard consulté par Lucy : "c'était une autre époque. le viol n'était pas considéré de la même façon que maintenant." (ibidem)
Et en effet, on revient de très loin sur cette question. Et le chemin n'est pas terminé à voir les différentes réactions à des affaires récentes.

Du viol aux victimes de guerre

On aborde enfin, à travers la notion d'état de stress post-traumatique (ESPT) la question de l'universalité des réactions aux traumas.
Jessica Stern rencontre un soldat revenu d'Irak pour répondre à la question : "Est-il réellement possible, comme l'affirment les spécialistes, que le viol ou la "violence relationnelle" à long terme, pour reprendre le jargon psy, puisse avoir des effets comparables à la terreur de la guerre ?" (p 331-2)
Erik a été gravement blessé par un EEI (Engin Explosif Improvisé) en 2007. Il avait dû s'engager dans l'armée pour 4 ans en 2002 afin de rembourser ses études de cusinier haut de gamme. Une fois son temps terminé, il est rappelé pour être remis sur le terrain : c'est alors qu'il est blessé.
A son retour, une fois les dégâts physiques plus ou moins réparés, il doit attendre plus d'un an avant d'obtenir une consultation psychologique. Elle dure demi-heure et le psy le renvoie en lui disant : "Vous pouvez gérer. Vous ne faîtes pas partie des pires. Vous allez bien en fait."(p 359)
A lire la liste des symptômes qu'il détaille, on se demande comment vont "les pires".

Impossibilité de fréquenter les lieux bondés ou bruyants, agressivité incontrôlable au volant, incapacité de se concentrer sur deux tâches à la fois, lenteur au travail, vertiges, alternance non contrôlée d'hyper et d'hypo-vigilance, troubles du sommeil...Il est clair qu'il est loin d'une vie "normale".
Or ces symptômes, atténués, sont les mêmes que rencontre Jessica Stern...plus de trente-cinq ans après son viol.

Quant "aux pires", il s'agit bien évidemment de ceux qui passent à l'acte violent. Il n'y a là cependant aucune fatalité si la prise en charge par la société à travers notamment la verbalisation des symptômes et leur mise en relation avec le trauma est faite. Et c'est bien l'un des objectifs du livre.
Cela suppose cependant de dépasser la honte en acceptant sa peur et toutes les émotions associées et en gardant ou reconquérant la capacité à aimer et être aimé. Ce que l'autrice appelle "ranimer des émotions" qui ont été enfouies pour résister au choc.
"A terme, le déni corrode l'intégrité – des individus comme de la société. Nous faisons payer un prix terrible aux personnes psychiquement blessées en devenant complices de leur déni." (p 420) Or, "le déni est d'un attrait presque irrésistible" (ibidem)...
Lien : https://vert-social-demo.ove..
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