- La vie n'est pas une comédie musicale, OK ? Je peux à peine me regarder dans le miroir, et vous, vous voulez que je monte sur scène devant tout le lycée ?
Piper se penche pour ramasser les pinceaux à ma place.
- Je redis juste ce que je t'ai dit pour ce crétin de photographe. L'incendie ne t'a pas pris ta voix. Alors profites-en.
Je regrette de leur demander tant de sacrifices. […] Je suis désolée qu’ils se retrouvent avec moi sur les bras.
Mais le truc, c’est que moi aussi, je me retrouve avec moi sur les bras.
Les autres nous changent. C'est comme si on était des boules sur une table de billard. Certaines roulent au hasard, mais d'autres suivent une logique dans le chaos et, quand elles nous heurtent, elles modifient notre trajectoire.
Les étoiles sont de petites fenêtres sur le paradis, pour que nos proches puissent nous regarder vivre…
Cora lui fait un très léger signe de tête, et je comprends que ce qui va suivre a été décidé lors d'une de ces réunions dans lesquelles on débat de a vie sans moi. Mon invitation a dû aller direct dans le dossier des spams.
Et maintenant, retour à la case départ. A la case espoir. Croiser les doigts pour que la greffe « prenne », que le docteur Sharp ne soit pas obligé d’arracher la peau et de tout recommencer. Vivre à nouveau avec la peur de l’infection, dont on parle en baissant la voix comme les jeunes élèves, à Poudlard, évoquent Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom.
Une autre fille fait semblant de fixer un point derrière moi, tout en jetant des coups d’œil furtifs à l’endroit où devrait se trouver mon oreille. Je tire sur mon bandana pour qu’elle ne puisse pas voir qu’il n’y a rien, juste le conduit auditif et un lambeau de lobe qui a survécu on ne sait comment.
J’incline la tête en arrière pour refouler les larmes qui me montent aux yeux. À cause de la rétractation des cicatrices de mes joues, mes paupières intérieures sont comme des digues cassées, elles ne retiennent pas la plus petite trace d’humidité.
Mais pas question que je pleure. Pas ici.
Je tente de calmer les battements de mon cœur et je continue à avancer. Je me répète que je n’ai pas besoin de ces gens, pas plus qu’ils n’ont besoin de moi. Je m’oblige à redresser la tête alors que je n’ai qu’une envie, me cacher dans un casier pour leur échapper. Ces regards me rappellent que je suis différente, certes, mais ils m’assènent une vérité plus profonde : je ne suis plus tout à fait humaine.
Je suis une bête curieuse qu’on observe, pas une personne à qui l’on parle.
Voilà pourquoi je n’ai pas besoin de miroir ; je rencontre mon reflet dans les yeux de tous ceux qui m’entourent.
Mon visage me revient sans cesse en pleine face.
Il y a une forme de beauté dans les cendres. Il faut parfois du temps pour la voir.
Voilà pourquoi je n’ai pas besoin de miroir; je rencontre mon reflet dans les yeux de tous ceux qui m’entourent. Mon visage me revient sans cesse en pleine face.
Les autres nous changent. C'est comme si on était des boules sur une table de billard. Certaines roulent au hasard, mais d'autres suivent une logique dans le chaos et, quand elles nous heurtent, elles modifient notre trajectoire.