Roman très court, 150 pages, qui se déroule dans le monde du cinéma à l'occasion du festival de Cannes et se lit avec délectation.
Roman Strajnic est délibérément dans la satire de bon aloi, il frappe juste, avec vigueur et nous dépeint un monde merveilleux qui occulte bien des turpitudes. Nous le savions, mais de le voir décrit avec cet humour décapant, toujours à la limite du dérapage, a quelque chose de jouissif.
Les personnages que l'on reconnait sont plus vrais que nature. Comme le commentateur cinéma de Canal+, Laurent Weil rebaptisé ici Roland Vieil, qui sur joue l'admiration et multiplie les « C'est ça ! Cannes ! ». Ou encore
Pedro Almodovar le Président du jury « Autoritaire et fier, dans sa chemise bariolée. »
Au fond Roman nous venge à la fois de notre crédulité et de notre statut de vache à lait. Pour autant, il n'est ni cynique ni angélique, il sait, et nous avec que tout cela ne changera pas d'un coup de baguette magique.
L'histoire est simple, et l'objectif de l'auteur n'est pas de nous mener au travers d'une enquête au suspense insoutenable. Il est surtout de nous faire rire à bon compte.
Deux producteurs à Los Angeles sont catastrophés de la qualité de leur film Days of Hell retenu dans la sélection du festival de Cannes et encensé par Thierry Frémeaux, délégué général du Festival de Cannes et président de l'association Frères Lumière.
En effet, ils redoutent comme c'est souvent le cas que leur film, malgré la présence de deux acteurs de poids concentre les critiques incendiaires et serve uniquement de marchepied à celui qui aura la palme d'or.
« Une connerie à 120 millions de dollars » dit le producteur.
Heureusement, leur chargé de sécurité Nick Kovacs, un Serbo-Croate leur suggère un plan très simple pour ravir la vedette aux autres lauréats.
Trouver un idiot utile pour servir un plan diabolique, qui reçoit aussitôt l'aval des deux producteurs. Pour des raisons évidentes, je ne dévoilerai pas ce plan.
L'idiot utile, sera Dusan Savicevic, un serbe qui a fui Vukovar en 1999 et exerce le métier d'agent de sécurité pour l'agence GuardCorps dont le patron est Jean-Marc Chiaramonti, un manager aux dents longues.
Il assure la surveillance du rayon parfumerie du Monoprix de Cannes.
Dusan est un tendre. Il laisse partir par exemple, contre l'avis de la chef de rayon, un gamin qui a volé un crayon Dior à 26 euros pour l'offrir à sa mère, se contentant de récupérer le crayon au lieu d'exiger son paiement.
Il est recruté via Chiaramonti par l'équipe de sécurité du film Days of Hell. Pour lui c'est la consécration, mais sa naïveté le rend peu opérationnel et il commet erreur sur erreur, oubliant tout ce qui en faisait un garde du corps fiable.
Roman Strajnic propose une galerie de personnages truculents, Molly l'assistante de la vedette, une Canadienne née à Chicoutimi, incapable de résister aux offres d'alcool de substances illicites et de sexe qui sont légion au cours des soirées cannoises du festival.
Cathy, pied-noir, la cinquantaine joyeuse, cuisinière de l'équipe, avec sa verve qui prend Dusan sous son aile, et ne s'en laisse pas conter.
Enfin les agents immobiliers des stars et des familles royales saoudiennes que l'auteur nous décrit ainsi : « décolletés sur poitrines brunes séfarades » « Moustachus et femmes à niquab »
La description de Cannes avant pendant et après le festival est riche en couleurs, on y voit cette association hypocrite durant deux semaines, chacun sur jouant la sympathie acteurs, agents, techniciens, la palme allant aux spectateurs en mal de vedettariat, et prêts à tout pour côtoyer la gloire ne serait-ce que quelques secondes, le temps d'un selfie, mais prêts à tout aussi pour obtenir le sésame pour une de ces soirées objet de tous leurs fantasmes.
Je ne connaissais par
Roman Strajnic. Avec
des types comme nous, il signe un roman inspiré de son expérience personnelle dans le monde du cinéma. Il évite l'autobiographie et le pathos pour nous livrer une histoire drôle qui montre sa capacité à prendre de la distance pour réjouir le lecteur. Un sens de la formule (voir les citations) qui vaut le détour.
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