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Critique de fabienne2909


« L'origine du monde », trois petits mots évocateurs pour les amateurs d'art… Outre le titre de leur oeuvre, Liv Strömquist partage avec Gustave Courbet un sujet fondamental des théories féministes : la représentation des organes féminins, et à travers celui-ci, de la sexualité féminine.

Les âmes sensibles, à qui les champs lexicaux de l'anatomie féminine et des menstruations font horreur, s'abstiendront de lire mon petit billet (mais aussi cette bande-dessinée) !


En effet, les organes féminins et la manière dont les femmes les utilisent semblent être – la nouvelle ne surprendra personne – au coeur des préoccupations, depuis quelques siècles sinon depuis toujours, d'un groupe d'hommes (philosophes, religieux, scientifiques – je vous laisse découvrir certains coupables gratinés dans un savoureux top 5 !) qui se sont employés à les réprimer avec succès à partir du XIXe siècle. Liv Strömquist démontre, par le biais de ses dessins ultra-documentés et très didactiques (comme à son habitude), qu'en premier lieu les organes féminins ont été réduits au vagin, organe interne, faisant disparaître des représentations artistiques comme médicales l'organe externe qu'est la vulve (et par la suite le clitoris). Pourtant, c'est aller à contre-courant de l'Antiquité, voire de la préhistoire, qui lui attribuaient un pouvoir magique puissant, contre les mauvais esprits notamment (les pages qui y sont dédiées sont passionnantes). Puis que les bonnes moeurs, ne s'arrêtant pas en si bon chemin, se sont acharnées à établir une hiérarchie entre sexes féminin et masculin, prêtant à ce dernier une supériorité non encore démentie, à l'aide de la science, dont le pouvoir s'est substitué à celui de la religion à partir du XIXe siècle, et qui a fait des « organes génitaux et [de] la sexualité […] un espace idéal où projeter toutes ces idées sur la différence entre les hommes et les femmes » et justifier toutes les âneries patriarcales qui ont encore bonne presse de nos jours.

Liv Strömquist réussit encore une fois à faire une bande-dessinée érudite, engagée, mais également très drôle, sur les schémas sexistes et patriarcaux, cailloux pointus dans les chaussures des femmes, en traitant des thèmes plutôt novateurs à la parution de l'album en 2016 : disparition du clitoris (qu'on a redécouvert grâce aux féministes depuis 2020), menstruations (pourquoi les sirènes marketing des protections périodiques parlaient-elles toujours de « fraîcheur », notion qui semble avoir disparu toutefois depuis) et syndrome prémenstruel (SPM) qui parlera à bon nombre de femmes, fluctuation hormonale que le patriarcat a su utiliser à sa guise : « L'anthropologue Emily Martin a démontré que la débat autour du SPM s'efface quand on a besoin des femmes comme main-d'oeuvre, en temps de guerre par exemple, pour ressurgir de plus belle pendant les périodes où on veut les garder au foyer. […] le plus étrange est que je n'ai pas trouvé un seul chercheur ni médecin dans l'histoire qui aurait par exemple affirmé que les fluctuations hormonales rendent les femmes inaptes à s'occuper des enfants. Personne n'a publié de rapport de recherche qui démontrerait que les femmes souffrant du syndrome prémenstruel engueulent trop leurs enfants er que, par conséquent, il serait mieux que les hommes restent à la maison avec les enfants et que les femmes travaillent ». Un album ludique, instructif et drôle, que demander de plus ?
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