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Critique de steppe


Quelle densité dans la forme autant que dans le fond!!! Ce livre est d'une richesse inouïe.

J'ai découvert William Styron avec "Les Confessions de Nat Turner" et je savais que j'y reviendrai...
Pour son style d'abord si dense et foisonneux. L'écriture, jamais pompeuse ni prétentieuse dénote pourtant une érudition de la part de l'auteur devant laquelle parfois, on se sent tout petit.
C'est une lecture qui demande des efforts à plusieurs niveaux. Un bon dictionnaire et l'ami google m'ont été de précieux alliés. le vocabulaire est riche. de nombreuses références littéraires, historiques, musicales.... Bref, une plongée très complète dans une époque, une histoire....

De nombreux thèmes sont ici abordés.
L'écrivain en mal d'inspiration au début du roman, l'éveil de l'impulsion créatrice. Les doutes, l'angoisse de la page "jaune" (oui, William Styron écrivait sur du papier jaune!). L'exaltation des mots trouvés, enfin. de l'histoire qui se dessine. Les allusions au processus d'écriture qui lui auront permis de signer "Un lit de Ténèbres" ou encore "Les Confessions de Nat Turner". Car, oui, on navigue sans cesse,entre roman et autobiographie. Pour, à travers l'histoire de Sophie et Nathan, découvrir l'homme que fut William Styron.

Mais surtout, justement, il y a Sophie, et Nathan. Et le narrateur qui, en contant leur histoire se pose en témoin d'une époque et d'un drame. L'autodestruction, la culpabilité, la toxicomanie, la folie, l'horreur d'Auschwitz, la perversion, le désespoir, la survivance. Et l'amitié comme l'amour, poussés à leur paroxysme. L'indulgence malsaine que l'on accorde à l'autre face à ses mauvais traitements parce que l'on se sent si coupable.... Si indigne de recevoir de l'amour. le pardon si facilement accordé.
Et ici, il s'agit autant de la culpabilité de Sophie et de ce qu'elle a du faire pour survivre que de celle de William Styron qui, originaire du Sud des États-Unis, traîne l'esclavage des Noirs comme un atavisme honteux duquel il essaie désespérément de se libérer.
Mais rien à faire, lui, autant que Sophie qui se sent responsable de l'antisémitisme paternel, se sent coupable des méfaits de ses ancêtres. Tous deux s'en défendent, essaient de rationaliser mais la culpabilité sans cesse les rattrape et les ronge.
Le parallèle entre l'esclavage des Noirs et celui des déportés de la guerre est omniprésent et introduit une notion d'universalité et d'éternel recommencement qui nous glace le sang.

Le personnage de Nathan introduit l'idée d'irresponsabilité. La notion du "bourreau" malade et donc excusable. Mais, et c'est bien là que tout se joue, Sophie aime Nathan et il l'aime aussi. Il devient le contrepied des tortionnaires de Sophie. Car ceux-là, elle ne les a pas aimés même si elle les a
courtisés. Ceux-là, contrairement à Nathan, n'étaient pas "aimables".

Beaucoup d'interrogations. Qui restent sans réponses. Comment, pourquoi l'homme est un jour capable du meilleur et soudain, devient expert pour faire subir aux siens le "mal absolu".
William Styron, sans doute pour se rassurer lui-même nous dépeint toujours des dirigeants Allemands "anesthésiés", comme sous l'emprise d'une force plus puissante qu'eux qui les pousse à agir comme des automates, comme des pantins. Leur antisémitisme est bien réel mais ce qui les poussera à commettre l'odieux les dépassent. Toutefois, à aucun moment William Styron ne les excuse. Et comment le pourrait-on ?

Une des forces du livre, ce qui nous fait basculer petit à petit dans l'horreur sans arriver à s'en éloigner, mais, honteusement en l'attendant presque, c'est la façon dont l'auteur joue avec le temps.
Nous naviguons dans L Histoire au gré du récit de Sophie. Et les nombreuses digressions qui, parfois cassent un peu le rythme du récit, les retours en arrière agaçants, prennent tout leur sens lorsqu'on comprend où il a voulu nous mener.
Nous mener par le bout du nez, car c'est bien ce qu'il fait tout au long de ces 900 pages.

Au final, et malgré ce long billet, j'ai l'impression de ne pas avoir dit la moitié de ce qu'il y a à dire concernant ce "Choix de Sophie".
J'ai pris le parti très rapidement en début de lecture et au vu de la complexité du livre de ne pas m'encombrer l'esprit en prenant des notes ou en notant des citations. Je voulais juste lire sans m'imposer plus de ruptures de rythme que celles voulues par l'auteur.
Mais peut-être tout serait-il résumé par ce passage : " "Un jour je finirai par comprendre Auschwitz".
Propos optimiste mais d'une absurdité débile. Personne ne comprendra jamais Auschwitz."

Surtout si l'on admet que comprendre, c'est accepter. Mais Sophie, par son parcours, le récit de ses doutes, de ses regrets et de sa culpabilité a un peu éclairé L Histoire. Sans légitimer quoi que ce soit, elle nous oblige et William Styron à travers elle, à se demander inlassablement : " et moi, qu'aurais-je fait ?". le courage et la lâcheté intimement liés. L'atavisme comme croix à porter.
L'amitié ou l'amour pour nous en délivrer. Oui, mais voilà...
Ca ne suffit pas toujours....

Une oeuvre forte, qui nous habite longtemps encore après avoir fermé le livre....





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