Je n'étais pas un lecteur de manuscrits, mais un écrivain - un écrivain doté de la même ardeur et des mêmes ailes frémissantes que les Melville, les Flaubert, les Tolstoï, ou les Fitzgerald, qui avaient le pouvoir de m'arracher le cœur et de m'en ravir un morceau, et qui, chaque nuit, tour à tour et tous ensemble, me commandaient de consacrer ma vie à leur incomparable sacerdoce.
Par bonheur, j'étais à cet âge où la lecture demeure encore une passion et donc, hormis un mariage heureux, le meilleur des états pour tenir en échec une solitude absolue.
Ce que l'on porte a une grande importance. C'est un des privilèges de l'être humain. Autant que ce soit quelque chose de beau, quelque chose qui procure un véritable plaisir. Et qui peut-être, du même coup, procurera du plaisir aux autres. Mais ça, c'est secondaire.
Il est des amitiés qui remontent à un âge tendre et restent de pures sources de joie, qui vous inspirent un amour et une fidélité dont mystérieusement sont dépourvues les amitiés que l’on noue par la suite, même très authentiques.
Il m’arrive parfois de penser que la vie n’est qu’un ignoble piège.
Au camp, les gens se comportaient de manières très différentes, certains de façon lâche ou égoïste, d'autres avec beaucoup de bravoure et de noblesse. Il n'y avait pas de règle. Non. Mais c'était un endroit tellement abominable, Auschwitz, Stingo, tellement abominable qu'on a peine à y croire, qu'à dire vrai on n'avait pas le droit de dire que telle ou telle personne aurait dû faire preuve de plus de générosité ou de noblesse, comme dans l'autre monde. Si un homme ou une femme venait à faire quelque chose de noble, alors on pouvait les admirer comme on les aurait admirés n'importe où, mais les Nazis étaient des assassins et quand ils cessaient d'assassiner les gens c'était pour les transformer en animaux malades, si bien que si les gens faisaient des choses qui n'étaient pas très nobles et même s'ils se transformaient en animaux, eh bien, il fallait le comprendre, avec horreur peut-être mais aussi avec pitié, parce que chacun savait qu'il suffisait d'un rien pour qu'il se comporte lui aussi comme un animal.
Maintenant, dans notre siècle sanglant et avec le recul du temps, chaque fois que se produit une de ces inimaginables explosions de violence qui mettent à sac nos âmes, mon souvenir revient vers Nathan – le pauvre dément que j’aimais, délirant sous l’empire de la drogue et, un canon fumant à la main, enfermé dans quelque chambre ou cabine téléphonique anonyme – et son image me paraît toujours présager ces pathétiques et interminables années de folie, d’illusion, d’erreur, de rêve et de conflit.
« Laisser quelqu’un mourir sans un au revoir, sans un adieu, sans un seul mot de réconfort ou de sympathie, c’est ce qui est horrible à supporter. » (p. 163)
"Un jour je finirai par comprendre Auschwitz." Propos optimiste mais d'une absurdité débile. Personne ne comprendra jamais Auschwitz.
Someday I will understand Auschwitz. This was a brave statement but innocently absurd. No one will ever understand Auschwitz… Auschwitz itself remains inexplicable. The most profound statement yet made about Auschwitz was not a statement at all, but a response.
The query: "At Auschwitz, tell me, where was God?"
And the answer: "Where was man?”