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Critique de gerardmuller


Le choix de Sophie/William Styron (1925-2006)
Ce roman de 630 pages paru en 1979 est un immense livre, une histoire bouleversante, l'oeuvre d'un écrivain américain magnifique.
Stingo, le porte-parole de l'auteur est un jeune écrivain natif de Virginie en quête de gloire et d'amour.
Nous sommes alors en 1947.
Perdant son emploi chez un éditeur, Stingo s'installe pour écrire à Brooklyn dans un appartement situé juste au dessous de celui qu'occupent une femme nommée Sophie Zawistowska et un Juif américain nommé Nathan Landau.
Avant même de faire la connaissance de ses voisins du dessus, Stingo doit subir quotidiennement leurs disputes et leurs coupables ébats sardanapalesques.
Lors de la première rencontre, ce qui frappe Stingo, c'est le tatouage que porte Sophie à l'avant-bras, un tatouage stigmate du camp d'Auschwitz.
Tout au long de ce roman, on va assister à la superposition de l'amour désespéré de Stingo pour Sophie et le récit du martyre de Sophie à Auschwitz.
Stingo découvre que Nathan est un être composite, brillant et imprévisible génie, charmeur démoniaque, frénétique et attachant, généreux et chaleureux, qui pose des énigmes de personnalité plus irritantes et mystérieuses que tout ce qu'il a pu déjà rencontrer : un personnage hors-norme, un homme un peu fou qui se démarque par une prédisposition permanente à la fureur et à l'incohérence avec le côté noir et torturé de son tempérament solipsiste.
Nathan est un « être à la personnalité électrisante et impérieuse, mi magicien, mi grand frère, confident et gourou, polymathe c'est à dire qui sur tous les sujets sait beaucoup de choses, prétendant avoir été dans une vie antérieurs l'unique moine juif parmi les Albigeois, un frère génial du nom de Saint Nathan le Bon qui à lui seul avait encouragé le penchant obsessionnel de cette folle secte à l'autodestruction, basé sur la théorie que si la vie est mauvaise, il est nécessaire de précipiter la fin de la vie. » Nathan, un individu qui nous réserve quelques surprises… !
Sophie est une très belle femme, séduisante au possible, blonde au port de tête et au balancement de hanches qui ne laissent aucun homme insensible, totalement assujettie à Nathan dont elle est l'objet de plaisir et sadisme. En effet, une sorte de relation sado-masochiste s'est tacitement instaurée entre ces deux êtres inséparables.
Le trio d'amis formé de Stingo, Nathan et Sophie « pour qui la musique représente bien davantage que le boire et le manger, une drogue essentielle, quelque chose d'analogue au souffle divin. », occupe l'essentiel du livre.
Sophie qui voit Stingo célibataire lui met dans les bras la belle Leslie, l'allumeuse vierge :
« Leslie allait me fournir l'occasion, pour la première fois de ma vie, de goûter dans un climat calme et exploratoire à cette gamme d'expériences charnelles qui jusqu'alors n'avaient existé dans ma tête que comme une encyclopédie de concupiscence, immense et orgiaque, inlassablement feuilletée. »
Un rêve qui passe…
Puis Sophie fait à Stingo le récit de sa vie à Auschwitz avec Rudolf Höss. Tout le chapitre 6 est un témoignage bouleversant.
Extraits des confidences de Höss le bourreau de Birkenau :
« La haine est une émotion étrangère à ma nature. »
« J'avais reçu un ordre et mon devoir était de l'exécuter. Que cette extermination massive des Juifs fût indispensable ou non était un point sur lequel, faute d'avoir une vue d'ensemble du problème, je ne pouvais me permettre de me forger une opinion. »
« Dans l'univers des crématoires, la haine est une passion téméraire et incontinente, incompatible avec la nature routinière de la tâche quotidienne. Et surtout quand un homme a fait en sorte d'étouffer en lui ce type d'émotions perturbantes, savoir si un ordre doit être critiqué ou mis en doute devient purement académique. «
SS Hauptsturmführer Fritzsch: « Vous êtes ici dans un camp de concentration, pas dans un sanatorium et il n'existe qu'une seule sortie-la cheminée. Si certains ne sont pas contents, ils ^peuvent toujours essayer d'aller se pendre aux barbelés. Il y a des juifs dans ce groupe, eh bien, vous, vous n'avez pas le droit de vivre plus de deux semaines. Il ya des bonnes soeurs ? C'est comme pour les prêtres, vous avez un mois. Tous les autres, trois mois. »
« Ainsi la tragédie semblait se dérouler dans un état miséricordieux, d'où étaient bannis les gémissements de chagrin, les cris de terreur et d'autres bruits de cette initiation infernale. »
« À Auschwitz, dis-moi, où était Dieu ?
Réponse : « Où était l'homme ? »
Puis on fait un bon en1967, année de la composition du récit, au chapitre 9 : vingt ans ont passé et Stingo continue de fouiller dans sa mémoire…
La lecture devient alors plus délicate : il faut être attentif car la chronologie du récit fait des bonds entre passé et présent.
Il apparaît au fil des pages que Sophie en se confiant à Stingo veut oublier, veut extirper cette plaie alors que Nathan qui ignore tout ne demande qu'à connaître cet épisode.
À noter aussi les scènes d'amour assez torrides vécues par Sophie et Nathan pour qui le sexe est le sel de la vie.
Le racisme et l'esclavage sont aussi des thèmes récurrents dans cet ouvrage, antisémitisme et racisme américain nord –sud, ou à l'égard des Noirs.
« Les New-Yorkais semblent souvent enclins à considérer les gens du Sud avec une extrême hostilité ou encore avec une condescendance amusée, à croire qu'ils représentent à leurs yeux une race de vulgaires histrions. »
Dans un style simple et percutant, avec une technique narrative très au point pour distiller les intrigues avec habileté créant un suspense de tous les instants, c'est un grand roman américain contemporain à tout instant passionnant qui vous attend. Un grand roman où à chaque instant le Bien lutte contre le Mal et vice versa.
« le mal absolu n'est jamais extirpé de ce monde. »
Le choix de Sophie : un choix inhumain demandé par l'ennemi…
À noter aussi l'excellente qualité de la traduction de Maurice Rambaud.
En 1982, l'adaptation cinématographique du livre reçut cinq nominations aux Oscars et Meryl Streep obtint l'Oscar de la meilleure actrice. Les rôles de Nathan et de Stingo étaient joués, respectivement, par Kevin Kline et Peter MacNicol.

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