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Critique de NMTB


NMTB
02 septembre 2018
Le second volume de cette édition est en grande partie composé de portraits. Mais trois livres ont surtout retenu mon attention. le premier est un petit livre sur l'île de la Cité, une balade dantesque d'Ouest en Est sur ce petit bout de territoire au centre de la France : Cité, nef de Paris. Un livre de commande qui ne paye pas de mine, mais que je trouve joliment composé entre les descriptions de l'enfer du palais de justice et du paradis de Notre-Dame.
Le deuxième, c'est le livre éponyme : Valeurs. Suarès a constamment écrit des « livres de pensées », plus ou moins en vrac, plus ou moins aphoristiques, tout au long de sa vie. Ce sont des livres qui ne sont pas fait pour être lus de manière soutenue, il n'y a aucun enchaînement d'idées, peu de liens, ce sont des petits textes écrits au fil de la plume dans une totale liberté. Jusqu'ici je les avais peu appréciés. J'ai par contre été enthousiasmé par Valeurs. Sans être différents des précédents, il m'a paru intéressant en tant que reflet d'un esprit, celui de l'auteur, dans une époque bien précise, celle de l'entre-deux guerre. Juste après la première guerre mondiale, Suarès s'était calmé avec les « boches », et il commençait à s'en prendre un peu plus aux Américains et aux Russes, plus précisément au fordisme et au communisme, à tout ce qui peut réduire l'homme à l'état de termite ou d'automate, comme il dit. Mais à partir des années 1930, toujours dans cet esprit de réveiller les masses abêties par la technique, il en remet une couche sur les Allemands et par la même occasion les fascistes d'Italie. Il s'en prend vertement à Hitler, à Mussolini et à toutes les dictatures.
Il n'y a pas plus éminent représentant de l'esprit français que Suarès. Autant je le trouve parfois aigre et injuste dans ses portraits littéraires, et même indigne, autant sa sincérité est incomparable dans sa lutte pour la liberté individuelle. Il a mis le doigt sur le Mal, et il a bien appuyé dessus ; ce qui n'a rien d'extraordinaire, mais il l'a fait, et il a risqué sa vie. Je serais vraiment curieux de savoir comment il a réussi à survivre à la guerre, c'est un miracle qu'il ait pu échapper aux nazis. Peut-être le doit-il au peu d'attention que l'intelligentsia française lui accordait.
Il y a de ça dans Valeurs et d'autres sujets qui lui tenaient à coeur. C'est un grand livre, qui s'inscrit dans la lignée des Pensées de Pascal et des Essais de Montaigne : « La manière de Pascal, dans les Pensées, et de Montaigne est la meilleure. Je ne la choisis pas, elle m'est propre, à ma façon. Sans le vouloir, j'écris sur cette règle contre les règles ; sans le vouloir et, à la réflexion, le voulant. Je rêve d'un style qui perce en volant, qui ne s'attarde jamais, qui ne pèse rien, qui coupe les vaines amarres du lien tendu, de la transition, et du rigoureux enchaînement. Un discours qui se passe de tout développement et, s'il faut, qui en fasse fi. »
Enfin, le troisième et dernier livre, le tout dernier, son testament inachevé pourrait-on dire, puisqu'il n'a pas eu le temps de le finir et qu'il n'en a publié que quelques extraits, c'est le Paraclet. Il est intéressant parce qu'il résume toute la pensée religieuse et spirituelle de Suarès. Toujours dans son esprit individualiste, il rejette les églises, les théologies, la scolastique, et pourtant il s'inscrit dans une tradition catholique, particulièrement influencée par la pensée grecque : saint Paul et saint Jean. Il rejette tout ce qui vient après. le Paraclet c'est le Saint-Esprit dans la Bible grecque. On pourrait gloser infiniment sur ce qu'il écrit : sur la différence qu'il fait entre l'esprit et l'âme, sur l'éternité, sur la métempsychose et sur la part de liberté que peuvent conquérir les hommes, etc. Tout cela n'est pas simple. Quoi qu'il en soit, il croit au règne à venir du Paraclet, qui passe par « la connaissance rationnelle de l'immortalité », une métapsychique et une métaphysique que laisse entrevoir Bergson. Concrètement, chaque individu doit lutter en ce monde pour révéler son Moi, seul et unique.
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