Cette momie moisissante à ratelier doré, cette vieille peau où les diamants poussent comme des furoncles !
Mais notre regard c'est le seul défaut de la cuirasse. La plaie et le couteau.
A vivre loin, on devient autre.
Un rideau retomba derrière une vitre. On eut dit une paupière qui s'abaissait trop vite.
J'envie bassement les gens capables de faire un trait sur leur passé, oui, comme on raye la plaque de cuivre d'une gravure afin d'empêcher tout nouveau tirage...
Au temps des fièvres - il y a longtemps, sous le règne de la fée Pharingite - sa mère aussi voilait d'un mouchoir rouge la lampe de chevet... C'était le même petite île paisible et chaude , et le noir dehors, menaçant, impuissant...
Les paroles de la servante tombèrent sur la table comme une poignée de condetti dans une séance spirite.
Ils sont enfermés comme deux grillons en leur cage dans ce petit cube de fumée et de silence suspendu hors du temps. Dehors, fait-il encore jour ou déjà nuit ?... Dehors, ce monde existe-t-il encore ?
Du haut de ses tours, une ville semble morte, déserte. Et cependant elle exu=iste. Elle vit de sa vie monstrueuse et innocente. Elle se nourrit de nous. Elle nous garde dans ses sillons, dans ses impasses. Elle entasse nos cendres dans ses cimetières suburbains, bientôt recouverts par les termitières de béton, dans ces nécropoles souterraines dévorées par les parkings. Mais elle b'efface rien. Elle garde tout. Et c'est vrai que si l'on écorche un peu sa surface, pour une fondation, un égout, n'importe quoi, on retrouve presque aussitôt d'autres murs, des pilotis, des assises, des pavements, des mosaïques, des tombes...La ville engloutie continue à exister, à nourrir de ses racines aveugles la cité visible, à la soulever au-dessus du néant...
Aucun reniement, aucun oubli, aucune absolution. La pierre est une cire impitoyable. Ellle n'oublie rien. Elle est pire que la mémoire...
De l'enfant que nous avons été, nous nous souvenons comme de quelqu'un de mort. Oui, c'est cela : d'un petit disparu. Un enfant que nous avons eu et qui n'a pas vécu. Il n'y a aucune continuité réelle entre l'enfant et l'adulte. Il n'y a plus en nous une seule cellule de celui que nous avons été. Plus une seule pensée. A un certain moment un enfant meurt. Il s'efface sans laisser de trace, et alors un étranger prend sa place, imite vaguement sa voix, ses gestes, et son visage défiguré...