Par la porte laissée ouverte, j’aperçois Jez. Je ne m’étais donc pas trompée. Mon cœur s’emballe. Parce que je suis heureuse de le voir, parce que le cœur bat plus vite quand on voit le type dont on est en train de tomber amoureuse, mais aussi parce que je redoute qu’il apprenne ce qui s’est passé la nuit dernière.
Il faut que je me calme, que je reprenne mes esprits. Je me bouche le nez, souffle pour me déboucher les oreilles, j’ouvre les yeux. Bonjour, ô monde réel !
Je pense à me lever et à me tirer. Je n’en ai pas la force. Il suffit d’un grain de sable dans les rouages pour que je ne sache plus quoi faire. Je ricane toute seule. Je pensais que ma nouvelle trajectoire, mes nouveaux choix, tout en étant audacieux, me correspondaient, et voilà que je me retrouve en mauvaise posture, dans un endroit douloureux et connu de mon histoire. Comme si je n’arrivais pas à m’échapper d’un mauvais scénario…
L’alcool ne brouille pas tout en moi, il souligne mon incohérence. Je suis comme ces papillons de nuit qui vont se frotter à l’ampoule qui va les brûler. Pour exister, il me faut sans doute prouver que je peux résister à tout et au pire, au danger que je connais et vers lequel je me précipite. Que je suis plus forte que les pièges.
Dans une vie, il y a parfois des moments terribles qui ressemblent à des scènes de film d’horreur. Je me sens comme une héroïne terrifiée et paralysée par ses démons, face à une porte qu’il ne faut pas ouvrir. Je me sens aussi comme la spectatrice impuissante qui hurle « Non, n’ouvre pas cette porte ! » alors que l’héroïne tend la main vers la poignée, ivre de peur, persuadée de faire preuve de courage.