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Critique de clairemarquez75


Dire que Luca Tahtieazym est un visionnaire serait méconnaître ses talents. En lisant Sénescence, et après avoir vu souffrir l'humanité dans Il était une fois le brouillard, il est évident que cet auteur a ses entrées auprès du Grand tout. Il n'y a qu'à voir comment ses prophéties se révèlent :

"On a tout su le 20 mars 2020, il y a à peine quelques jours. Cest comme ça. Impossible d'anticiper leur réaction. Tout va se déchaîner, loin de là bonace qui clapote devant moi. La panique sera totale, les magasins dévalisés, les stocks de carburant anéantis. On dira aux hommes et aux femmes de se terrer chez eux. Je serai au coeur du tourment quand surviendra le séisme, mais j'ai un choix à faire. Nous devrons nous mettre au service des autres, mes collègues et moi. Faire don de soi. Pour le bien-être commun. C'est venu du ministère, tout vient de là-bas, mais bientôt ce sera sur le plan international que tout se décidera. On nous demande de sacrifier nos vies pour sauver celles des autres."

Un cataclysme se repend sur Terre, nos cellules accélèrent leur course et leur vieillissement progresse quatre fois plus vite. Quatre fois, me direz-vous, c'est abstrait. Alors imaginons que pour un humain habitué à vivre 80 ans, arriver à l'âge de 20 ans constituerait d'ores et déjà le même exploit. Pourquoi cette sentence, tombée soudainement sur le camp de l'humanité ? La Nature reprendrait-elle ses droits, estimant que le jeu avait assez duré avec des enfants trop peu respectueux ?
Les personnages habituels de Luca Tahtieazym sont là, se glissent subrepticement dans l'histoire, pour notre plus grand plaisir. Élise aime Romain, et j'adore ça. Angus et Achille sont présents, toujours aussi bruts, dans des rôles pourtant tellement attachants, de pères de substitution à leur manière. Des allusions délicieuses rattachent chaque histoire de cet auteur à ce dernier opus, et ce jeu de piste est un bonbon que l'on savoure, ici une forêt, pendant que l'on apprend à "faire avec". Les adeptes comprendront et les autres doivent absolument découvrir La Forêt et l'excellentissime Roman inachevé.
La ballade nous emmène sur le toit du monde, et ce récit vaut bien Frison-Roche et la solitude face au Grand blanc, et nous promène dans l'histoire de la mythologie, car il est hors de question de lire un Tahtieazym sans faire de liens avec les grands savoirs cachés dans la littérature.
Mais le fond de la question est là, et ne lache pas le lecteur après avoir refermé l'histoire. le temps qui passe. Qui passe déjà tellement vite. Et si cela n'était plus une vue de l'esprit mais un constat unanime ? La course vers une vie plus longue, mais que l'on ne sait pas savourer, dont on ne prend pas le temps de profiter, vaut-elle la peine de prévoir une ligne d'arrivée ?
Lire ce roman en plein coeur du confinement lui donne une saveur toute particulière. Passer ce temps à regarder ses enfants, à voir les oiseaux reprendre le terrain sur la cacophonie ambiante, nous amène à cette résilience si chère à l'auteur. Nous sommes mortels, c'est dit, et le temps nous est compté. Mais vous pouvez ralentir le son de la pendule comme on ralentit ses battements de coeur, juste pour quelques secondes, avant que le galop ne redémarre. Et c'est toujours ça de gagné.
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