Au terminal du ferry, après la visite du parc, je retrouve par hasard M., et nous faisons la traversée ensemble. Elle me redit combien Staten Island a souffert de la décharge, elle me rappelle ce nom de forgotten borough, l’arrondissement oublié. Ce nom me reviendra le jour suivant lorsque, depuis le pont de Brooklyn, sous un ciel bas et lourd, derrière la statue de la Liberté, derrière l’île du gouverneur, je l’aperçois confusément, île perdue dans la brume, aux contours indistincts, plus irréelle encore que ne l’était Manhattan vu du sommet du mont nord.
au fur et à mesure que l’on s’approche du bord, les stèles sont de plus en plus basses, jusqu’à ce qu’elles ne soient plus que rectangles visibles sur le sol, rectangles qui se retrouvent encore, dispersés, aux abords du mémorial. Il n’y a ni entrée ni sortie, et ces marques au sol, qui dépassent des limites qu’on voudrait assigner au lieu, font signe vers l’extérieur, comme si, véritablement, la ville entière (le pays, le continent) portait, invisibles, ces tombes vides.