Être condamné à la peine capitale, c'est avoir déjà disparu de ce monde.
D'un côté, les japonais veulent punir de mort les criminels foncièrement inhumains, de l'autre, ils voient d'un œil mauvais ceux qui parlent ouvertement de le faire. C'est ça qui est sournois chez ce peuple qui cloisonne autant ce qu'il pense et ce qu'il montre aux autres.
— Une fois qu'on a été en taule, on ne peut plus porter de montre. Ça rappelle trop les menottes.
Il marchait avec le même collègue dans l'enceinte du centre de détention lorsqu'ils tombèrent sur une petite construction de couleur ivoire qui se dressait au milieu d'un bosquet. Elle avait le charme d'une maison de gardien dans un parc forestier.
— Qu'est-ce-que ce bâtiment ? demanda innocemment Nangô.
— Le lieu d'exécution.
Malgré lui, Nangô s'immobilisa. C'était donc là qu'on pendait les condamnés. La solide porte métallique évoquait un conte pour enfants cruel.
Honorer l'âme de la victime ne la fera jamais revenir. Et puis, si on est jugé sur ce genre de choses, ça veut dire que les riches à la larme facile s'en sortent mieux que les autres, non?
Jun'ichi posa une question qui le taraudait depuis longtemps :
- Est-il vraiment possible de juger du repentir d'autrui ? Est-ce que quiconque peut savoir si un criminel se repend sincèrement ?
Un léger sourire aux lèvres, Sugiura répondit :
- La jurisprudence montre que les critères de jugement sont nombreux : si les indemnités accordées à la famille de la victime sont importantes ou non, si l'accusé a versé des larmes devant la cour, s'il a monté un autel dans sa cellule et s'il prie devant tous les jours...
- Honorer l'âme de la victime ne la fera jamais revenir. Et puis, si on est jugé sur ce genre de choses, cela veut dire que les riches à la larme facile s'en sortent mieux que les autres, non ?
Si la valeur de la vie d'un criminel est inversement proportionnelle à la gravité de son crime, dans ce cas... Un frisson lui parcourt l'échine. Dans ce cas, sa vie à lui, qui s'était rendu coupable de coups et blessures ayant entraîné la mort, était-elle à ce point déniée de valeur ?
p.160
Un morceau de cuir noir gainait la partie qui entrerait en contact avec le cou du condamné. En la voyant briller d'un éclat si vif, Nangô eut l'impression d'inhaler l'odeur même de la mort.
_ La jurisprudence montre que les critères de jugement sont nombreux : si les indemnités accordées à la famille de la victime sont importantes ou non, si l'accusé a versé des larmes devant la cour, s'il a monté un autel dans sa cellule et s'il prie devant tous les jours...
_ Honorer l'âme de la victime ne la fera Jamais revenir. Et puis, si on est jugé sur ce genre de choses, cela veut dire que les riches à la larme facile s'en sortent mieux que les autres, non ?
A vingt-cinq ans, exalté, Nangô n'avait qu'une idée en tête : grimper les échelons. Il avait compris que le monde de la surveillance carcérale était une société de classe où soumission et obéissance étaient de mise. A moins d'occuper le haut de l'échelle, on était impuissant. C'est pourquoi il fit le premier pas en ce sens.