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Critique de Dossier-de-l-Art


En forme de carte à jouer géante, digne de la fameuse reine de coeur d'Alice au Pays des Merveilles, ce livre annonce d'emblée la couleur : les jeux de cartes de toutes les périodes y sont à l'honneur. S'il est parfaitement conçu et richement illustré, il est de plus exemplaire puisqu'il est le fruit d'un récolement de la collection de la Bibliothèque nationale de France. Dépositaire de fonds méconnus (plus de trois mille suites de cartes !), cette institution est une des mieux pourvues dans ce domaine. À la fois savant et amusant, servi par une maquette ludique, cet ouvrage dispose donc d'atouts maîtres pour devenir un vrai livre de chevet, et non pas seulement un énième cadeau de courtoisie. le plan chronologique favorise l'approche historique ; mais chaque partie étant constituée d'une introduction générale et de notices, le lecteur bénéficie de commentaires iconographiques approfondis, rédigés par les auteurs les plus qualifiés (leurs noms, qu'on doit rechercher en annexe, mériteraient du reste d'être plus apparents). On apprend ainsi que les cartes à jouer naquirent en Orient au XIIe siècle, qu'elles apparurent au XIVe siècle en Europe, puis qu'elles se développèrent à partir de la Renaissance, au moment de l'émergence de l'imprimerie et de la diffusion du papier. L'essor de la gravure leur doit presque tout : l'estampe prit son envol grâce au goût immodéré, bientôt condamné par l'Église, pour les jeux de hasard. L'image de piété fut certes la grande concurrente de la carte à jouer : dévotion et culte du jeu favorisèrent de concert l'invention des artistes. Les chapitres montrent la grande variété des premiers jeux : jusqu'au XVIIIe siècle, les figures des cartes, leur noms, leur tarotage (l'ornement du revers), comme leurs enseignes n'étaient pas fixés ; coupes, bâtons, grelots, glands ou roses pouvaient remplacer nos actuels coeurs, carreaux, piques et trèfles. Les règles elles-mêmes n'étaient pas parfaitement établies. On ne s'adonnait pas aux mêmes jeux dans l'aristocratie et dans la paysannerie, ni dans tous les pays. À l'hispanique hombre qui passionna Versailles pendant le Grand Siècle, répondait le tarot, issu des cours italiennes et devenu divinatoire seulement à la fin du XVIIIe siècle. Les cartes eurent bientôt des ambitions pédagogiques : en témoignent un très beau jeu astronomique publié à Nuremberg en 1719, et le jeu géographique, historique et mythologique conçu par Mazarin en 1644 pour le futur Louis XIV. Ce dernier n'est pas moins spectaculaire que celui dessiné par Jacques-Louis David pendant le Premier Empire, dans lequel César a les traits de Napoléon. On peut aussi relever la permanence des décors animaliers : le « coucou » ou « cúcú » mentionné par Rabelais dans Gargantua sous le nom de « cocu », est dans ce genre un des jeux les plus imaginatifs et comiques.


Mais ce livre est également passionnant parce qu'il touche à la sociologie. du Moyen Âge au XXe siècle, les cartes à jouer sont le reflet des modes de vie, des goûts et des coutumes de nos ancêtres, parfois les plus proches. Elles agissent comme un puissant miroir, d'où la nostalgie n'est pas absente car elles nous ramènent à l'enfance, aux loisirs des vacances ou même de Noël...

Par Christine Gouzi, critique parue dans L'Objet d'Art 551, décembre 2018
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