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Critique de berni_29


Ce soir dans un monde où la brutalité est souvent malheureusement présente, permettez-moi de vous inviter à la douceur des choses. À leur délicatesse. À une manière d'aborder l'univers de nos vies par cette douceur essentielle et sa puissance souterraine qui nous guident.
Les Années douces, c'est un manga écrit par Jirô Taniguchi, mais dont le récit est totalement adapté du roman éponyme de Hiromi Kawakami, que je n'ai pas encore lu, cela ne saurait tarder à présent.
Ce très beau roman graphique est structuré en dix-neuf rencontres. Il s'agit toujours de la même rencontre...
La rencontre, ce sont deux personnes si différentes qui vont venir l'une à l'autre par le pur hasard des choses. Elle, c'est Tsukiko Omachi, jeune femme célibataire et solitaire, la trentaine bien avancée, attachée à son indépendance. Lui, c'est Harutsuna Matsumoto, son professeur de japonais lorsqu'elle était étudiante. Son allure est très stricte, le costume impeccable, il est toujours affublé d'un cartable de cuir qui semble ne le quitter jamais. Tout au long de l'histoire, elle va continuer de l'appeler « maître ».
Ils se rencontrent par hasard dans ce restaurant où elle a ses habitudes, où ils découvrent cette passion commune pour le saké et ces plats suaves à souhait qui délivrent le plaisir de leurs papilles gustatives.
Peu à peu, tacitement, les rencontres fortuites deviennent des rendez-vous réguliers. Au fil des repas et des confidences, une tendre complicité s'établit, ils se sentent de plus en plus proches l'un de l'autre, mais chacun reste sur ses distances, peut-être la peur de franchir un pas les empêche d'aller plus loin. Il y a aussi la distance de l'âge. Et puis il y a ce respect infini que Tsukiko voue à celui qu'elle continue d'appeler " maître ".
C'est une amitié qui s'établit entre ces deux êtres solitaires. Une amitié tout d'abord... L'amour viendra plus tard...
Bientôt ils vont sortir de l'univers de ce restaurant, à la faveur d'une fête des cerisiers...
J'ai été touché par la grâce qui porte ce beau récit, celle qui touche aussi les deux personnages venant à l'autre sans le soupçonner encore. Y-a-t-il une magie pour dire cela ? L'inventer ?
Parfois des oiseaux traversent le ciel des pages. Des fleurs... Des haïkus aussi, ceux de Bashô...
" La mer s'enfonce dans le crépuscule,
le cri d'une mouette,
vague blancheur. "
On voudrait rester là à contempler une plage sur le bord d'une île, marcher pieds nus sur le sable, entendre le bruit du vent qui vient du large, prendre la main de l'autre, l'étreindre, compter les étoiles dans le ciel, vouloir suspendre au-dessus du vide le temps qui passe, se dire que ce moment qui semble brusquement épris d'éternité est cependant fragile, redevient éphémère parce que la vie est ainsi faite.
Parfois je me suis identifié à ce personnage masculin, dans cette peur de vieillir, de mourir, découvrant l'amour au crépuscule d'une vie accomplie ou qu'il croyait accomplie. On se surprend parfois à s'apercevoir que la vie tient parfois à rien ou à beaucoup, cela dépend du regard que l'on porte sur notre existence.
J'emporte en moi la légèreté de ce récit, un côté presque onirique pour chercher ou tenter d'expliquer ce fil invisible qui unit les êtres qui s'aiment.
« J'ai tant voyagé
que ma robe est tout usée
et le froid la transperce.
Le ciel est clair ce soir.
Mais mon coeur souffre. »
C'est un poème de Seihaku Irako, qui perle comme un rayon de soleil presque à la toute fin du récit, là où le souvenir des morts effleure l'ombre des vivants.
C'est la première fois qu'un manga me donne envie de pleurer.
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