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Critique de chocobogirl


Deux amours cruelles, c'est bien ce que contient ce recueil de deux nouvelles de littérature classique japonaise. Junichiro Tanizaki nous conte l'histoire de 2 drames amoureux où la passion a toute sa place.

Je n'aborderais pas ici la seconde nouvelle Ashikari, une coupe dans les roseaux car il s'avère que derrière ce titre, se cache la nouvelle plus connue sous le nom suivant : le coupeur de roseaux, édité individuellement en folio à 2€ !

L'histoire de Shunkin (ou Shunkin, esquisse d'un portrait) :

Shunkin, de son vrai nom Mozuka Koto, est une jeune fille bien née dans une famille d'apothicaire. Hélas, à l'âge de 9 ans, cette dernière perd la vue des suites d'une maladie. Dès lors, elle se consacre entièrement à la musique et devient une virtuose du shamisen. Un serviteur du nom de Sasuke est mis à sa disposition pour l'aider dans son quotidien. Une relation amoureuse va bientôt naître entre eux.

L'histoire de Shunkin nous est raconté par un narrateur extérieur en visite à un temple situé près de la tombe de cette dernière. Celle de Sasuke se trouve également non loin. Il nous raconte leur histoire d'après ce qu'il en a appris, n'hésitant pas à s'adresser directement au lecteur. Il cite une biographie qu'il remet parfois en question ou qu'il réinterprète selon d'autres éléments en sa possession.
On découvre alors une Shunkin capricieuse, égoïste et autoritaire. Jeune femme très belle, orgueilleuse et très douée dans ses arts, elle exerce une ascendance tyrannique sur son serviteur. Ce dernier lui est malgré tout totalement dévoué et ne s'offusque jamais de ce qu'elle lui fait subir. Donnant des leçons de musique, la jeune femme n'épargne pas non plus ses élèves. Sa méchanceté habituelle lui vaudra bientôt d'être punie : un inconnu l'agresse en pleine nuit et la défigure. Désormais, Shunkin refuse de se montrer. Elle avoue enfin ses sentiments à Sasuke et lui fait promettre de ne plus la regarder. Sasuke, par amour et dévouement, choisit alors une solution extrême, incapable de se résoudre à vivre éloigné de Shunkin.

Pas forcément facile à appréhender, L'histoire de Shunkin nous rappelle un Japon très codifié où une jeune femme de bonne famille ne peut laisser libre cours à ses sentiments auprès d'un être de position sociale inférieure. le texte est relativement obscur et laisse planer certains doutes quant à la relation entre Shunkin et Sasuke. On comprend à demi-mots qu'ils deviennent amants. Pour autant, leur relation reste ambiguë et reste toujours sur la base maître/serviteur.
On ignore jusqu'à la fin qui est la personne vengeresse qui défigura la jeune femme : un élève quelconque, Sauske ou bien encore Shunkin, elle-même. La réponse ne sera pas donnée et permet différentes interprétations. Une filiation avec la nouvelle Géronimo, l'aveugle, et son frère, d' Arthur Schnitzler est d'ailleurs à relever, semblant offrir certaines pistes. Grand lecteur de l'auteur allemand, Tanizaki semble reprendre la trame de l'histoire : Au cours d'un jeu, Géronimo a les yeux crevés par son frère par mégarde. Pris de remords, ce dernier va alors va sacrifier sa vie à protéger et entourer Géronimo, auquel il apprend à chanter et à jouer de la mandoline.
Le rôle féminin est ici particulièrement intéressant. Audacieuse, c'est une héroïne beaucoup plus libre qui est représenté ici. C'est elle qui maintient Sasuke sous sa coupe et donne la direction à leur couple.
Cette forme de relation entre le professeur et son élève s'inscrit en décalage avec leur époque. Ils refusent le mariage, ils ne veulent pas d'enfants, ils s'enferment dans leur petit monde et oublient l'extérieur.

Tanizaki prône ici un amour hautement spirituel et éthéré. ça n'est que lorsque les deux amants font sacrifice de leurs corps que leur amour peut véritablement s'envisager. Comme si le corps était un frein, une barrière matérielle dans lequel se cristallise les différences sociales et physiques. L'amour semble être une chose dont l'idée même suffit à s'épandre. La fidélité de Sasuke envers Shunkin, au fil des 21 années qui suivirent sa mort, en serait-il une preuve ?

A noter : Cette nouvelle a été adaptée au cinéma par différents réalisateurs et on ne compte pas moins de 6 films entre 1935 et 1986 !
Lien : http://legrenierdechoco.over..
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