Je ne sais jamais quoi dire quand on me demande mon type de romans parce que mon dada, ce sont les romans chelous, dérangeants et s'ils parlent de mort, alors là c'est la cerise sur le gâteau. Bref, impossible de quitter la discussion sans avoir été cataloguée sociopathe - et c'est bien regrettable mais ce n'est pas le sujet du jour.
Comme j'ai -par dessus le marché- un sens du timing désastreux, aujourd'hui, à la veille de la fête des mères, je ne vais pas seulement vous parler d'un ouvrage qui parle de la mort mais… d'un ouvrage qui (se) raconte la mort d'une mère. C'est plus précisément
Jordan Tannahill qui dissèque cette fraction de secondes où il comprend qu'elle est morte, cet entre-deux où son esprit appréhende la présence-absence de sa mère.
Et ce qui est merveilleux, c'est qu'il le fait en convoquant la philo, les maths et la physique quantique de façon tout à fait pédagogique : le chat de
Schrödinger, le fonctionnement d'un champignon parasite, l'extase de sainte
Thérèse d'Avila… Chaque chapitre digresse sur un sujet a priori sans aucun lien avant de revenir, dans une habile construction, à cet intervalle où tout s'est joué pour son double fictif, à cet état de découverte, par nature évanescent pour en expliciter les différentes strates. On n'est donc pas uniquement face à une autofiction sur le deuil et le rapport mère/fils (très touchant au passage), on est aussi face à une superbe réflexion sur notre rapport au corps et à la mort.
J'ajoute que ce n'est pas un roman qui vous fera déprimer mais au contraire savourer ce qu'il vous reste à vivre. Si les dernières pages m'ont arraché quelques larmes, c'est uniquement parce qu'elles m'ont rappelé un de mes livres doudous qui recense toutes les belles choses du quotidien qu'il faut savourer tant qu'elles sont encore là : le sel de la vie de
Françoise Héritier. Des bonnes larmes donc. Et un immense coup de coeur à l'arrivée. Foncez !