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Critique de ecceom


Ce convoi qu'on cache

Nous sommes en 1945 et le Reich qui devait durer 1000 ans, s'effondre sur lui-même. Les alliés sont entrés en Allemagne et le destin de cette génération de bons aryens commence à ressembler à l'histoire des Rougon-Macquart : après le Rêve et la Bête humaine, voici le moment de la débâcle.

Il est donc temps de lever le camp pour le Stalag II B.
René Tardi et les prisonniers de guerre partent alors pour un exode sur les routes déjà encombrées par une population civile allemande fuyant également devant l'avancée des Popovs qu'elle imagine (à juste titre), un peu revanchards.

Pendant des mois, Tardi va marcher, marcher et encore marcher, dans la neige, dans la boue, les pieds en sang, le dos lacéré par les parasites, la mâchoire crispée par une infection dentaire, tenaillé par la maladie ou la faim incessante.

Et il n'y a pas que les kilomètres à pied qui usent car il faut aussi compter sur les gardiens teutons, GO d'un ordre qui s'effrite, mais qui gardent jusqu'au bout, la crosse de fusil lourde et la matraque leste.

Un bel exemple d'implication professionnelle.

Ce voyage a été reconstitué par Jacques Tardi, d'après les indications notées sur un carnet, par son père. On suit l'itinéraire tortueux de cette famélique colonne, avec ses tours et détours destinés à éviter les ex-alliés soviétiques. On pénètre avec eux dans ces petits villages abandonnés, bivouacs d'une nuit ou plus, on assiste aux rapines, aux représailles, aux ultimes poussées de lâcheté ou de courage. On passe aussi, de loin, devant les camps de concentration où errent des ombres en pyjamas rayés...

Comme dans le 1er volume, le dessin de Tardi est magistral. On chercherait en vain la case inutile ou le trait superflu. le N & B s'efface occasionnellement pour laisser place à des éclats de couleurs au fur et à mesure de l'approche de la délivrance.

Le dialogue père-fils inauguré dans "Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag II B" prend encore plus d'importance dans cette suite. Jacques complète les souvenirs de son père par des données historiques, apporte des précisions là où la mémoire de René s'est montrée défaillante et nous invite à partager cette histoire familiale extraordinaire.
Il contextualise les propos de René, peu enclin à ressentir la moindre compassion pour ceux qui ont volé 5 années de sa vie et il en profite aussi, pour glisser quelques piques (par exemple, à l'encontre de la puissance de l'industrie allemande).
Cet échange virtuel contribue à faire de cet ouvrage à deux mains, une vraie réussite.

En fin de volume, Jacques Tardi et sa femme Dominique Grange (dont le père était également prisonnier de guerre) racontent avec tendresse et pudeur, leur voyage sur les traces de René.

Un 2ème volet en tous points indispensable.
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