AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,14

sur 163 notes
5
12 avis
4
11 avis
3
6 avis
2
2 avis
1
0 avis
Il y a des choses qu’on aimerait ne pas avoir à écrire, telles que : « je suis déçue par ce second volume », « j’ai eu du mal à en venir à bout»...
Arrêtons-là ! Vous aurez compris que je n’ai pas retrouvé ici toutes les qualités du premier volet. J’en suis réellement navrée ! Tant je suis admirative de Jacques Tardi !

Ce second tome est long, aussi long que la marche des prisonniers de guerre vers la France. Le sujet est toujours aussi noble et s’articule à nouveau sur le même principe : Tardi fils accompagnant sur les routes du retour son père. Ils traversent des villes dévastées ou qui le seront bientôt et assistent impuissant pour l’un, indifférent pour l’autre, à la débâcle et aux actes de violence et de vengeance. Au fur et à mesure, Tardi fils égraine, tout au long des chemins, un discours historique sur le devenir des villes, des gens croisés ou impliqués dans cette seconde guerre mondiale. L’idée est louable, mais ce discours prend toute la place et l’équilibre qui fonctionnait au tome 1, n’est plus présent dans ce second tome.
Le discours mange toutes les cases et le dessin de Tardi passe en second plan, ce qui est dommage et dommageable.

Voilà ! Je n’en dirais pas plus. Tant l’écrire est pour moi une nouvelle déception.
Ceci dit, je lirai le tome 3 en faisant table rase de cette impression. Je ne doute pas que Tardi aura su tenir compte des retours de lecture et saura reprendre les rênes de ce roman graphique-œuvre hommage à ce père amoché autant par la violence de la guerre que par le mépris et l’indifférence des hommes.
Commenter  J’apprécie          270
C'est le deuxième volume du récit du père de Jacques Tardi pendant la Seconde Guerre Mondiale. Il était prisonnier de guerre au Stalag IIB. Après le récit de la guerre perdue, et son séjour dans ce camp, on découvre dans ce tome l'époque de l'avancée des alliés, et le déplacement de ces prisonniers à travers l'Allemagne, une longue et terrible errance. le graphisme est en noir et blanc, avec un trait épais, des aplats de gris, avec souvent trois images panoramiques seulement par page, ces images toutes en longueur illustre bien cette foule errante, le temps qui s'étire, cette marche va durer quatre mois. le texte est très présent, comme un long monologue, avec parfois l'intervention de Jacques, comme si l'histoire était racontée par le père à son fils, mais ce sont les images d'époque qui l'illustrent, Ce discours a posteriori explique sans doute le cynisme de René. Une bonne partie du récit est une suite d'anecdotes, mais ce long cheminement devient lourd et pénible, ce style de narration parvient à nous immerger. Et quand l'histoire s'accélère, la couleur apparaît alors pour changer l'intensité du récit.
Je trouve cette bande dessinée très bien faite, c'était pour moi comme une lecture nécessaire, mon grand-père n'a jamais voulu nous parler de ce qu'il a vécu là-bas, avec cette bande dessinée de Jacques Tardi, je parviens à l'imaginer un peu. Je trouve les récits de Jacques Tardi sur les guerres vraiment très bien faits, même si le point de vue anti-militariste est à considérer avec le recul. Il nous propose une vision de la base, la stratégie militaire, les avancées n'apparaissent que comme des rumeurs, la réalité est plus prosaïque, avoir froid, avoir faim, avoir mal aux pieds, aux dents, avoir peur… La guerre comme elle est réellement, c'est sans doute le plus important.
Commenter  J’apprécie          220
Ce tome fait suite à Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag II B, tome 1 (2012) qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant, même si celui-ci constitue la suite de la biographie. Ce tome est le deuxième d'une série de 3 dans laquelle l'auteur met en bande dessinée les souvenirs de son père René Tardi. Il s'agit d'une bande dessinée en couleurs, dont la première édition date de 2014. Elle a été réalisée par Jacques Tardi pour le scénario et les dessins, les couleurs ayant été réalisées par Jean-Luc Ruault. le tome commence par une préface de 5 pages rédigée par J. Tardi, détaillant le processus de reconstitution du trajet de retour de son père à partir de ses carnets, illustré par des photographies d'époque, d'une postface de Dominique Grange évoquant le parcours de son propre père, et d'un article d'une page sur le mystérieux pélican en bois, et il se termine par une carte sur 2 pages permettant de visualiser l'itinéraire de R. Tardi à travers l'Allemagne pendant ces 4 mois de marche forcée.

Le 29 janvier 1945, l'ordre est donné aux soldats évacuer le Stalag II-B, situé à deux kilomètres à l'Est du village d'Hammerstein en Poméranie. Les soldats font marcher les prisonniers pour s'éloigner de l'Armée Rouge qui progresse, dans le vent, la neige et la nuit, le tout par -30°. Malgré les coups de crosses et de gummis, les prisonniers fatigués et affamés n'avancent pas plus vite, d'autant qu'ils doivent porter l'équipement des soldats allemands. La marche est pénible et éprouvante. La colonne de prisonniers rattrape une charrette de la Wehrmacht, conduite par un civil, car les civils fuient aussi, terrifiés par la réputation des russes : pilleurs, violeurs, brutes sanguinaires et massacreurs. René Tardi et ses compagnons négocient d'attacher leur petit traîneau où ils ont entassé leurs affaires, à la charrette contre un paquet de Lucky Strike. Quelques centaines de mètres plus loin, la charrette verse dans le fossé, et ils reprennent leur traîneau, laissant le civil se débrouiller tout seul.

Après avoir marché toute la nuit, la colonne fait une courte halte à l'abri du mur d'une usine, avant de repartir. Les prisonniers de guerre souffrent du froid car ils portent les mêmes vêtements que ceux qu'ils avaient quand ils ont été faits prisonniers, René Tardi ayant accumulé plusieurs couches pour mieux résister au froid. À 17h00, la nuit tombe. René, Roger et quelques autres décident de se laisser distancer. Une fois en queue de peloton, ils quittent la colonne, et s'enfoncent dans les bois, toujours avec le petit traineau surchargé. La forêt est lugubre, et le sous-bois est marécageux. Parfois la glace cède et ils s'enfoncent jusqu'aux genoux dans l'eau glacée. À cinq heures du matin, ils atteignent une ferme et établissent le contact avec des travailleurs forcés polonais qui travaillent dans cette exploitation agricole. Ils arrivent à troquer un canard et un poulet contre quelques paquets de clopes. Dans la journée suivante, ils voient passer des traîneaux russes propulsés par des hélices : des soldats russes faisant des raids d'intimidation, ce qui indique que le front se rapproche. Les fuyards comprennent qu'ils doivent s'éloigner au plus vite de la zone de combats, qu'il leur faut déguerpir. Après 22 kilomètres de marche, ils parviennent à Raddatz, un patelin, où ils tombent sur un grand nombre de prisonniers de guerre au repos. Ils s'y intègrent et trouvent de la place dans une grange ouverte à tous les vents et surpeuplées.

Le premier tome était éprouvant : pas du fait d'une narration visuelle trop explicite, ou de commentaires trop chargés de souffrances du narrateur, mais par l'accumulation d'horreurs, à la fois inhumaines et systématiquement remises en contexte avec une prise de recul les rendant encore plus atroces. À la fin du premier tome, les prisonniers de guerre quittent le camp et la fin de la guerre est proche. Mais le chemin pour rejoindre la France s'avère encore très long, très éprouvant, et tout aussi inhumain. L'auteur a retracé ces quatre mois à partir des carnets de note de son père, indiquant chaque fois qu'il y a une imprécision ou une incohérence. Les soldats allemands font voyager leurs prisonniers à pied du 30 janvier 1945 au 05 mai 1945. René Tardi retrouve son foyer en France le 26 mai 1945. le groupe de prisonniers de guerre dont il fait partie chemine en territoire allemand, avec le front russe qui se rapproche par l'Est. Ils sont trop faibles pour avoir un espoir de tuer leurs geôliers, sans se faire tous abattre par leurs armes à feu. La fuite (quitter la colonne de prisonniers) est possible mais ils deviennent alors des ennemis désarmés et affaiblis en territoire allemands, susceptibles d'être abattus sans sommation. Comme dans le premier tome, l'auteur évoque toutes les maltraitances endurées par son père : malnutrition, froid, absence de soins médicaux, rage de dents, poux et autres parasites, coups de crosse, etc. Comme dans le premier tome, son père l'exprime avec une forme de détachement, presque d'ironie en tout cas un recul détaché de la souffrance. Pour autant l'accumulation produit toujours son effet sur le lecteur.

L'auteur a repris exactement le même mode narratif : chaque page se compose de 3 cases de la largeur de la page, de même dimension, avec une mise en couleurs à base de gris, avec une légère touche de marron, donnant la sensation d'un quotidien très gris, morose et pesant, sans grand changement d'un jour sur l'autre. Cette dernière caractéristique reflète non pas les lieux puisque la colonne de prisonniers de guerre se déplace, mais l'état d'esprit résigné, et la souffrance qui ne les quitte pas. Chaque case comprend un phylactère (le plus souvent rattaché à René), assez copieux commentant la scène ou donnant des informations sur l'avancée de l'armée russe, les nouvelles défaites des allemands, ou des éléments de contexte sur les Lebensborn, les Einsatzgruppen, le pilonnage de Dresde, etc. Comme dans le premier tome, le lecteur se rend compte qu'il consacre la plus grosse partie de son attention à la lecture de ces phylactères, très denses en informations. Ces textes composent une reconstitution historique très riche, et très documentée. En fonction du lieu où leur marche les emmène, le père ou le fils vont décrire ou expliquer ce que sont les Lebensborn (des foyers et des crèches, mais aussi des lieux de rencontre plus ou moins furtive où des femmes considérées comme aryennes pouvaient concevoir des enfants avec des SS inconnus) ou les exterminations perpétrées par les Einsatzgruppen (élimination en masse des cadres polonais, des handicapés, des Juifs et des Tziganes) et leur problématique pour gagner de la place dans les fosses communes. L'effet cumulatif de ces horreurs est également assommant et horrifique : une litanie de barbaries inhumaines sans limite, infligées de manière méthodique. Ces textes ne sont pas pesants du fait de l'ironie sous-jacente de René Tardi dirigée contre tous les militaires et dirigeants de tout poil, mais glaçants quand il fait une allusion en passant au négationnisme, alors que la colonne a marché devant le camp de concentration de Bergen-Belsen.

La complémentarité entre textes et dessins fonctionne comme dans le premier tome. le lecteur peut éprouver l'impression de ne finalement prêter attention qu'aux textes, jetant à peine un coup d'oeil à ces dessins ternes et ces silhouettes aux contours rapidement tracés. Mais à chaque fois qu'il change de page, il ressent l'effet des cases : il sait où se trouve René Tardi. Il a eu un aperçu de la réalité de ce qu'il vit et endure à ce moment-là de la marche forcée, ou des conditions de détention lors des haltes. Il ne s'agit pas d'un détail supplémentaire, mais d'une réalité qui est rappelée à chaque case, qui est incarnée. Impossible d'ignorer les cadavres de prisonniers de guerre au bord du chemin, ou l'exécution sommaire de prisonniers de camp de concentration emmenés en colonne sur la route, ou les pendus, etc. Si l'envie lui en prend, le lecteur se rend également compte que ces dessins à l'apparence fruste recèlent un niveau de détails étonnant. L'artiste représente les bâtiments avec un savoir-faire extraordinaire, qu'il s'agisse d'une grange, ou des façades dans une rue. La reconstitution historique est tout aussi soignée qu'il s'agisse des uniformes ou des armes, des véhicules militaires. Tout participe à rendre concret les faits historiques, ainsi que les lieux traversés par la colonne de prisonniers de guerre.

Le média de la bande dessinée est particulièrement adapté pour raconter des histoires et le lecteur éprouve une certaine impatience de voir René Tardi retrouver sa famille, après les épreuves inimaginables subies pendant sa détention au stalag II-B. La fin de la guerre approche. Tout va rentrer dans l'ordre. En consacrant un tome complet (124 pages de bande dessinée) au retour, Jacques Tardi montre qu'il ne s'agit pas d'une histoire, mais d'une biographie. La vie de son père a ceci de particulier qu'il n'a pas fait partie de prisonniers libérés : la sortie du camp s'est faite sous la contrainte des soldats allemands. Les prisonniers continuent de mourir sous les coups, les privations, l'absence de soin, les exécutions sommaires, dans un pays ravagé par la guerre, avec l'espoir en voyant les avions britanniques passer au-dessus, mais aussi la crainte d'être bombardés. La densité et la précision de la reconstitution historique font oeuvre de témoignage, à la fois pour René Tardi, à la fois pour l'inhumanité de la guerre pour les prisonniers, pour les civils, et même (mais par ricochet) pour les soldats.
Commenter  J’apprécie          204
Jacques Tardi reprend la forme du dialogue avec son père pour retracer cette marche qui ne ressemble en rien à une libération ni à une victoire. Les conditions de vie sont éprouvantes et il s'agit encore d'obéir à des supérieurs qui n'ont pas plus de maîtrise ni d'ingéniosité que n'importe qui d'autre. Ce dialogue sera également l'occasion de revenir sur le Lebensborn (des couveuses aryennes), les Einsatzgruppen (de troupes qui ratissaient les ghettos et programmaient le suicide forcé des juifs) ou les corps francs (des anciens combattants qui avaient été proches de Hitler à ses débuts). On essaiera de comprendre avec les prisonniers ce que sont devenus Hitler et Eva, Goebbels, Magda et leurs six enfants, Göring, Himmler et Bormann, en même temps que se fera la traversée des villes bombardées de Lüneburg et de Rheine.


La libération devrait rendre les prisonniers heureux, ce serait tellement simple. Jacques Tardi veut rendre justice aux souffrances rapportées par son père et vécues par un grand nombre. Les dessins ont gris, ternes et monotones, sauf rares éclats de violence. L'arrivée à Lille, après quatre mois de marche forcenée dans des conditions parfois épouvantables, échappe bien sûr à la description.


En écho à la banalité du mal d'Hannah Arendt, Jacques Tardi interroge souvent son père, à l'occasion, par exemple, de l'assassinat de cinq des garde-chiourmes les plus salauds commis par lui-même et les autres prisonniers : « Vous vous conduisez comme eux ! Papa, qu'est-ce que tu en penses ? … Tu ne réponds pas ? ». Si, pour cette fois, l'ancien prisonnier ne répond pas, il n'hésite cependant pas à reconnaître, dans d'autres passages que : « Plus d'une fois, vers la fin, nous avons été salauds avec des civils ! ». Jacques Tardi tendrait alors à expliquer ces dérives violentes des anciens prisonniers avec cette même empathie et ce même besoin de connaissance qui faisait écrire à Alain : « L'impatience d'un homme et son humeur viennent quelquefois de ce qu'il est resté trop longtemps debout ; ne raisonnez point contre son humeur, mais offrez-lui un siège ».


L'incompréhension n'est toutefois pas entièrement résolue. Après avoir effectué lui-même le trajet d'Hammerstein à Lille, Jacques Tardi sera prêt à aborder la conclusion dans son troisième volume.
Commenter  J’apprécie          190
Le début de l'année 1945 voit se vider les camps de prisonniers en Allemagne; ainsi René Tardi, sous l'oeil attentif de son fils Jacques, toujours à ses côtés pour appuyer ses dires ou les interroger, entreprend une marche forcée avec ses compagnons d'emprisonnement à travers la Nord de l'Allemagne. le propos est lourd, en accord avec la situation désespérante de ces hommes toujours sous surveillance de soldats nazis qui, malgré l'avancée des troupes alliées sur le territoire, persistent à brutaliser et à stigmatiser leurs prisonniers.
Le dessin en noir et blanc s'accompagne parfois de touches de couleur, comme si on entrevoyait un peu d'espoir dans le récit. Une bande dessinée historique qui donne au texte une place de choix et dont la portée est aussi grande que Maus d'Art Spiegelman.
Commenter  J’apprécie          170
Deuxième volet du journal de guerre – c'est à dire essentiellement de la captivité en Poméranie – du père de Jacques Tardi. le retour des prisonniers de guerre dans leurs foyers se mue en épopée tragique : cinq mois d'errance à travers l'Allemagne sous les bombes alliées et la férule des gardiens de plus en plus nerveux et cruels, malgré la certitude de la débâcle imminente et la progression de l'Armée Rouge effrayante.

Je rends grâce à Tardi de me permettre de situer enfin sur la carte la position du Stalag IIB, celui-là même où mon père, Jean Mens, fut lui aussi, emprisonné avec ses camarades jusqu'à la date de son évasion réussie en février 1942.

Comme dans le premier épisode, René Tardi dialogue avec son fils à venir, ce jeune ado particulièrement mâture qui connaît, lui, les détails de la guerre en cours et les lui livre peu à peu : l'isolement et le manque d'information des prisonniers est aussi une des constantes de cette période et de leur souffrance. A partir de février 1945, les captifs sont poussés en troupeau vers l'ouest à coup de crosses sans presque rien à manger, parqués dans leur vermine, kilomètre après kilomètre dans des hangars ouverts aux vents d'hiver, leur pieds les faisant souffrir, affaiblis, démoralisés. Et en plus, torture atroce, ils tournent en rond pour finir par se libérer "par eux-mêmes" de leurs geôliers sans savoir comment rentrer. C'est alors la débâcle qui change de camp : les villes allemandes sont systématiquement bombardées, on rencontre les colonnes de déportés évacués des camps de concentration dans des marches de la mort inimaginables.

A partir du 5 mai, c'est la grande peur face à Yvan, l'armée russe, qui rend la monnaie de sa pièce à l'Allemagne qui lui a fait subir les horreurs des Einsatzgruppen. C'est moche, la guerre. Certains choisissent le suicide pour échapper aux viols et aux exactions. La revanche des prisonniers laissés sans contrôle est parfois aussi cruelle que celle des précédents oppresseurs : pendaisons sommaires, mitraillage de maisons civiles ou de colonnes de boches capturés …

René Tardi finira tant bien que mal par retrouver son épouse Zette et mettre en route le petit Jacques qui a retranscrit ses carnets de voyage. Et moi, je revois ces paysages où je me suis rendue cet été au bord de la Baltique – à Usedom, à Peenemünde, Anklam, par où passa aussi mon père, dans cet hiver 42 et probablement aussi dans la boue et la neige, mais avec seulement un camarade d'évasion … et une boussole.

A la lecture de ce deuxième tome – car j'imagine qu'il y en aura un troisième – je mesure combien mon père a eu le nez creux de fausser compagnie, lui aussi à pied et prenant sans cesse garde d'être découvert sur les routes allemandes encore euphoriques, à ses camarades de captivité.
Commenter  J’apprécie          173
Après cinq années de captivité en stalag à Hammerstein (60 kms au nord-est de Frankfurt), le père de Tardi est rentré en France, à pied, dans la neige et le froid, et toujours la faim au ventre, à raison de vingt km par jour avec d'autres prisonniers de guerre encadrés de 'Posten' (gardiens allemands). Quatre mois de marche, tenus à chaque pas par l'espoir de se rapprocher de la famille, de la femme aimée, de les retrouver enfin. Quatre mois de marche lors desquels des copains mouraient de maladie, d'épuisement. Quatre mois de marche forcée à travers les campagnes sinistrées, les villes détruites, à côtoyer la terreur des civils allemands (fuites, suicides collectifs) à mesure que les soldats russes approchaient et que les représailles tombaient (massacres et viols), tandis que les alliés bombardaient.

Après le récit étoffé des années de stalag de son père dans un premier opus, Tardi relate ici son retour en France. L'auteur se met en scène dans le récit, sous les traits d'un enfant témoin de ce que vit son père, donnant la réplique à cet homme cynique et toujours en colère. Bien plus qu'un carnet de voyage, il s'agit d'un documentaire, les souvenirs paternels sont enrichis de précisions historiques très fouillées sur le nazisme et sur la fin de la seconde guerre mondiale. On comprend ce souci du détail autour d'un homme qui, toute sa vie, après une telle jeunesse, n'aura pu lire que des ouvrages sur la guerre.
J'ai dû morceler la lecture de cet album dense et parfois indigeste qui s'appréhende plus comme un témoignage-documentaire que comme une BD. Cela dit j'ai beaucoup appris, autant que sur les conditions de (sur)vie en stalag dans le premier opus. Je pensais naïvement - ou ne m'étais pas posé la question, à vrai dire - qu'une fois libérés, les prisonniers étaient rentrés chez eux en train, n'imaginant pas tant de monde sur les routes, la confusion, la terreur après la défaite nazie...

Merci à Babelio et aux éditions Casterman pour cet album enrichissant et émouvant.
Commenter  J’apprécie          161
Les procédés utilisés dans le premier tome sont maintenus ici, dans le récit d'une marche hallucinée dans la neige, le froid, la boue, le dénuement et la violence, de janvier à mai 1945, vers la liberté.
le prix à payer est rude, la guerre n'en finit pas de finir, la réalité du nazisme prend forme, le nouveau monde en gestation laisse entrevoir ses futures limites.
La réalité de cette longue marche est bien montrée mais les propos du père à son fils pêchent par volonté de didactisme, de façon plus marquée que dans le volume précédent.
Commenter  J’apprécie          90
J'avais aimé le premier tome, j'ai aimé le deuxième, même si parfois on peut se perdre dans l'évocation des villes et villages traversés. Jacques Tardi s'appuie sur les carnets de son père, se met en scène, petit garçon posant des questions à René, notamment sur les inexactitudes de ses notes, sur les erreurs manifestes ou les oublis. Dessin classique pour Tardi, trois grandes cases par page, peu de gros plans, souvent des plan larges, du noir et blanc -sauf la fin. Une bande dessinée extrêmement pédagogique qui reprend les grands moments de la guerre, l'avancée des Russes et des Américains et des Anglais, qui redit une fois encore -mais qui n'est pas une fois de trop- l'horreur des camps de concentration, la solution finale, tout cette haine et cette folie imaginées par des hommes pour détruire d'autres hommes. le temps passant, la liste des rescapés s'amenuise, il est bon que des récits, des témoignages gravent dans le marbre ou le papier ce qu'ont enduré les gens vivant à cette époque, les juifs bien sûr mais aussi les tziganes, les homosexuels, les handicapés, les prisonniers de guerre. Travailler sur différents supports, les livres, les films, les bandes dessinées, est une excellente idée qui peut élargir le public touché.
Cette BD est d'un abord aisé, elle est le reflet du discours d'un simple soldat français : elle raconte son quotidien, les marches forcées, le froid : "Ces uniformes, que nous avions sur le dos depuis cinq ans, usés et élimés jusqu'à la corde, sans cesse rapiécés tant bien que mal, nous protégeaient à peine du froid. Je portais sur moi plusieurs couches de hardes, tout ce que j'avais pu trouver au camp pour avoir moins froid. J'avais même coupé des bandes dans la longueur d'une couverture et les avais enroulées autour de mon torse et de mon bide sous ma vareuse, en guise de coupe-vent." (p.9). Froid dont parle Michel Butor également encore adolescents au moment de la guerre : "J'ai l'impression d'avoir toujours eu froid pendant les années de la guerre. Même les étés me semble-t-il étaient froids." (In Improvisations sur Michel Butor).
Tardi sait se faire également pédagogue lorsqu'il parle des Lebensborn : "Des femmes mariées ou des filles-mères certifiées conformes pouvaient y accoucher en grand secret, à condition de refiler le môme à la SS. Les lebensborn étaient aussi des lieux de rencontre où des "Aryennes" pouvaient se faire engrosser par des SS..." (p.23), mais aussi de la fin de la guerre et du partage de l'Europe entre les Alliés.
Une série à lire d'urgence.
Lien : http://lyvres.over-blog.com
Commenter  J’apprécie          90
Deuxième tome des aventures du père de Jacques Tardi. Emprisonné durant de long mois au Stalag IIB, le voici maintenant sur le chemin du retour vers la terre natale et sa famille. Ce qui aurait dû être un moment de libération tourne au pire des cauchemars, tant les conditions matérielles sont rudes et l'équilibre entre les forces en présence encore bien incertain. A cela, et est-ce le pire, se rajoutent toutes les bassesses et la violence engendrées par la peur, le froid et la faim chez les hommes.
Dans ce volume, Jacques Tardi déploie son dispositif coutumier. L'auteur, en donnant la parole à René, se positionne à hauteur d'homme tout en s'incluant dans le récit sous la forme de l'enfant qui n'a pas pu, pas su, parler avec son père.
On retrouve également toute la grammaire caractéristique de l'univers graphique de Tardi : une palette saturée de noir, de gris et de blanc, émaillée de rares éclats rouge sang et d'une gamme réduite de bleus, un trait qui s'attarde sur les visages et les mains des ses personnages et une forte présence du texte qui contribue à la densité de la narration.
Que l'aime ou pas ce parti pris, malgré la succession de scènes forcément répétitives, il n'en reste pas moins que Tardi figure parmi les artistes qui savent créer leur propre univers, parfaitement identifiable, inlassablement travaillé et approfondi.
Commenter  J’apprécie          80




Lecteurs (359) Voir plus



Quiz Voir plus

QUIZZ RIGOLO SUR ADELE BLANC-SEC - TARDI

Qui vole un œuf de ptérodactyle ...

Adèle est bête comme ses pieds
Adèle et la bête
Adèle est la bête
Adèle et l'abbé

10 questions
53 lecteurs ont répondu
Thème : Jacques TardiCréer un quiz sur ce livre

{* *}