Leurs regards se sont perdus loin devant eux. Qu’est-ce que leur réserve l’avenir ? Quoi qu’il arrive, ils seront là les uns pour les autres, ensemble dans ce monde nouveau, le leur.
– Ils bossent comme des fous depuis le début de ce bordel, personne ne les remercie. Il manque des gens dans leur service, ils ne sont pas remplacés, alors ils taffent encore plus. Moi je dis, c'est eux qu'on aurait dû faire défiler le 14 juillet, soupire-t-il. Et tu sais pas ce que j'ai découvert ce matin dans la boîte à lettres ?
– Dis.
Tom sort un petit bout de papier de sa poche, le déplie et lit à voix haute : Comme vous travaillez à l'hôpital avec des personnes contaminées, vous présentez un risque pour vos voisins. Nous vous demandons de déménager.
– Je sais pas ce qu'on va devenir, tout s'écroule là... Toute l'économie s'effondre, y aura jamais de boulot pour nous, soupire Ahmed.
– Moi, je me suis dit que j'aimerais devenir cuistot en fait, reprend Tom. J'aurais dû faire un CAP en apprentissage, ça m'aurait trop plu. Mais avec tous les restos fermés, laisse tomber. Imagine, ça dure des années...
Nell tente de le rassurer :
– Mais si, faut que tu t'accroches, ça va repartir un jour ! Tu peux reprendre un CAP l'année prochaine, ça laisse le temps de chercher un employeur. Je t'aide à faire la liste et à écrire la lettre, si tu veux.
– Laisse tomber, les gens ont complètement vrillé avec ce virus, ils sont devenus totalement paranos. Comme si chacun était devenu un ennemi pour l’autre, une arme biologique sur pattes. Tout le monde se méfie de tout le monde.
12h30
Le déjeuner est rapide et quasi silencieux. La radio fait office de fond sonore : nombre de morts et de contaminés depuis les dernières vingt-quatre heures, taux de circulation du virus, taux d’incidence, tranches d’âge les plus affectées, tensions hospitalières, recommandations sanitaires…
« Nous sommes en guerre »
16 mars 2020