L'ami

La grande histoire et l'examen de l'actualité dans la rubrique des faits divers, ne cessent d'illustrer à des degrés divers que la nature humaine peut recéler une monstruosité hors du commun loin de toute raison, loin de toute compassion. Depuis les « bourreaux ordinaires » du nazisme, les Dutroux et autres Fourniret ont ponctué les chroniques judiciaires et illustré que les actes auxquels ils sont associés sont bien réels. C'est à ce type de fait divers que Tiffany Tavernier confronte le lecteur avec son récit : « L'AMI ». Elle pose la question de ce qu'un meurtrier de ce type peut faire de ravages autour de lui, au-delà de ses meurtres et des traces qu'ils peuvent laisser pour les familles des victimes. Son objectif n'est pas de faire le portrait du tueur en série, ni de s'arrêter sur les vies de ses victimes, petites filles ou adolescentes, violées puis exécutées. Elle s'attache à faire le portrait de Thierry, voisin et ami du tueur, en s'interrogeant sur ce que ces meurtres soulèvent de questions dans l'humanité profonde de cet autre, si loin des crimes et en même temps si proche, si désespérément proche. Elle choisit de montrer un homme blessé. Devant l'horreur, Thierry plonge dans sa propre fragilité et s'y débat sans pouvoir trouver d'issue. Il peine à comprendre que l'inhumanité de Guy le renvoie à sa propre humanité à lui et à toutes les questions en suspens dans les relations qu'il a tissées avec les autres, sa femme, son fils, son frère, l'autre ami tué à l'usine…
Le récit est convaincant, le style est vivant, la lecture est facile, trop peut-être. le lecteur est très vite placé devant les cassures du personnages, enfermé dans sa colère, le roman perd ainsi un peu de sa force en se réduisant à la personnalité de Thierry qui ne parvient pas à rayonner dans l'universel à partir des faits. L'histoire de ses fragilités est par ailleurs un peu maladroite dans la construction et les rappels, comme dans un piétinement qui a du mal à trouver une issue.
Un bilan contrasté donc pour cette lecture, qui certes présente un intérêt mais dont je ne suis pas sortie totalement convaincue.