Tiffany Tavernier propose une nouvelle fois de plonger à corps perdu dans une sensibilité hors normes devenue muraille, construite pour protéger, pour effacer ce qui déborde.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Alors que vous habitez en pleine campagne, à côté de voisins avec lesquels vous avez établi de cordiales et saines relations, surgissent soudain les forces de l’ordre. Voisins arrêtés. Que n’ont-ils pas vu ? L’horreur.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Wespieser Éditeur, raconte l'histoire de Lisa et Thierry. Le couple découvre peu à peu que le meilleur ami de Thierry n'est pas celui qu'il imaginait.
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Particulièrement bien mené, "L’ami", le nouveau roman de la Française Tiffany Tavernier, met en scène un homme sans histoire qui, sans se douter de rien, a longtemps eu pour ami un vrai criminel.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
« L’Ami » n’est pas un thriller sur un tueur en série, mais le portrait d’un témoin direct et pourtant aveuglé. Un choc.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Frôlé par un fait divers, un homme voit sa vie se craqueler. L’écrivaine signe un roman vrai et juste.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Dans « L’ami », Tiffany Tavernier envisage un point de vue peu usité sur une affaire criminelle.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Découvrir avec stupeur que son voisin est un tueur en série et ne pas s'en remettre. Un roman à la fois social et intime sur les processus d'attachement et de réparation.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Après, tout va très vite. L'explosion des questions. Le déluge des questions. Non, je n'ai rien vu. Je leur jure. Certains [collègues] me tapotent l'épaule en murmurant, gênés, qu'ils compatissent, d'autres se demandent comment j'ai pu être aveugle à ce point, alors qu'ici...
- Ici, quoi ?
- Tu vois tout, Thierry. Le moindre pet.
- Ici, putain, c'est des machines !
(p. 80)
REINE, 20 ANS, DISPARUE IL Y A SEPT ANS.
VIRGINIE, 14 ANS, DISPARUE IL Y A SIX ANS.
ZOÉ, 22 ANS, DISPARUE IL Y A QUATRE ANS.
MARGARITA, 19 ANS, DISPARUE IL Y A TROIS ANS.
SELIMA, 13 ANS, DISPARUE IL Y A DEUX ANS.
MARIE-ANNE, 13 ANS, DISPARUE IL Y A DIX-NEUF MOIS.
VIOLINE, 15 ANS, DISPARUE IL Y A DEUX MOIS.
ANNE-CÉCILE, 14 ANS, DISPARUE DEPUIS QUATRE JOURS, SAUVÉE IN EXTREMIS, AUJOURD'HUI DANS LE COMA.
Dans la maison, pas le moindre objet n’a bougé. La vague a déferlé pourtant. Rasant, laminant tout. Je cherche des yeux Élisabeth, qui fixe le poste, aussi hébétée que moi. À l'écran, ils répètent en boucle le prénom des petites victimes, soulignant, presque avec jubilation «qu'il pourrait y en avoir d’autres, beaucoup d'autre même ». Puis ils en viennent à cette histoire incroyable — un vrai miracle, scandent-ils —, ce couple de randonneurs perdus en pleine forêt qui, totalement par hasard, dans la nuit de vendredi à samedi, sont tombés sur le "monstre" sur le point d'achever la petite Anne-Cécile à coups de couteau. C'est grâce à leur témoignage et aux empreintes laissées par Guy Delric que la police a pu enfin identifier le tueur, l'arrêter aux aurores dès le lendemain, avec sa femme. p. 52-53
INCIPIT
C’EST UN SAMEDI COMME TOUS LES AUTRES. Je m’habille dans la pénombre, en faisant attention de ne pas réveiller Élisabeth. En bas de l’escalier, pas de Jules. D’habitude, elle m’accueillait avec des glapissements joyeux. Dans la cuisine, j’allume la cafetière électrique, je sors une tasse du placard. À travers la fenêtre, l’aube point, les feuilles des chênes frémissent. En face, personne n’est levé. Le silence emplit tout. Quand Jules est morte, c’est Élisabeth qui a voulu qu’on l’enterre dans un cimetière pour chiens, elle encore pour le choix de la tombe. Blanche. La cérémonie était belle. Même ses sœurs sont venues. Ce soir-là, on a tellement bu que tout le monde est resté dormir à la maison, sauf Guy et Chantal, bien sûr. Cela m’a fait quelque chose qu’ils viennent. Surtout Guy. Avec la dépression de Chantal, il en chie. Chie, oui, c’est le mot. On les entend parfois s’engueuler jusque tard, puis rien, ça passe. Nelly, leur chienne, c’était il y a un an. Un vrai coup de malchance, il y a si peu d’allées et venues par ici. L’enfoiré qui l’a percutée s’est bien gardé de laisser son nom, on ne l’a jamais retrouvé. Leur chienne, si. Du moins, ce qu’il en restait : un tas de chairs sanguinolentes qu’on a enterré le soir même avec Guy. À la pelle, dans son jardin. Une sale nuit comme on n’aime pas en vivre. Guy pleurait en silence, je creusais. C’est peut-être la raison pour laquelle Élisabeth a eu besoin de faire les choses en grand pour Jules. Pour rattraper ce malheur.
Sur la table, une Musca domestica se frotte les pattes, facile à reconnaître avec ses deux gros yeux rouges et son thorax gris. Je me demande si elles existent au Vietnam. La prochaine fois que Marc nous fera signe, je le lui demanderai. Il a l’air de trouver la vie formidable là-bas. Sur les photos de son compte Instagram, il n’arrête pas de sourire, ce qui rassure Élisabeth. Moi, pas. Qu’a-t-il eu besoin de choisir ce pays ? À coup sûr, mon père n’aurait pas apprécié. Ce boulot, en plus, dans ce grand hôtel. Est-ce qu’on le traite bien au moins ?
Dehors, le ciel vire au rose pâle. Je ne suis jamais allé bien loin, moi. Une fois, à vingt-deux ans, quelques jours en Espagne, une autre fois en Suède avec Élisabeth. Puis Marc est né. Partir ne nous disait plus rien ou alors à la mer, en été, avec le petit. Parfois, cela me fait tout drôle de le savoir si loin. Le manque remonte, brutal. Et puis ça passe, comme les disputes entre Guy et Chantal. Cela fait des années pourtant qu’il n’habite plus chez nous, mais bon, sa fac, un coup de voiture et j’y étais. Entre nous, désormais, même l’heure est différente et on a beau communiquer par Skype, plus le temps passe, moins on a de choses à se raconter.
Sur la table, la mouche s’envole et vient se poser sur la vitre. Plus que tout, j’aime ces heures où rien encore ne s’agite. Aucun bruit de voiture, aucune sonnerie de téléphone. Seule la lente poussée du jour, le craquement des branches dans le vent. J’avale d’un trait mon café. Après, j’irai faire mon tour le long de l’Aune. À cette heure, je n’y ai jamais rencontré personne à l’exception de Chantal, une fois. Le soleil venait de se lever. Je suis tombé sur elle, assise au bord de l’eau, les yeux dans le vague. La frousse qu’elle a eue en me voyant. Elle n’avait pas dormi de la nuit et s’était dit qu’un peu d’air frais lui ferait du bien. Je lui ai proposé de venir boire un café. Elle m’a fixé d’un air étrange, puis, subitement, elle s’est levée et elle est partie. Élisabeth dit que c’est à cause de ses médicaments. Des trucs tellement forts qu’il faut parfois des mois avant de trouver le bon dosage.
Les premiers rayons du soleil illuminent la cuisine. Bientôt, on pourra prendre le petit déjeuner sur la nouvelle terrasse. Le boulot que cela m’a coûté de déblayer le terrain. Mais ça y est, les piliers sont en place, il ne me reste plus qu’à poser les planches. On pourra y installer une balancelle comme dans les films américains. Dessous, je ferai une réserve à bois et, en cas de pluie, j’ai même prévu de construire un auvent. La vue est tellement belle d’ici. Des arbres, rien que des arbres. C’est ce qui m’a le plus emballé quand nous sommes tombés sur cette maison. Ce côté sauvage partout alentour. Élisabeth, non. L’idée de vivre dans un endroit aussi isolé lui faisait peur. L’affaire était si bonne, je l’ai suppliée de réfléchir. En plus d’être vendue pour une bouchée de pain et de laisser entrevoir toutes sortes d’aménagements possibles, cette maison était située à seulement dix kilomètres de l’usine où je travaille et à moins de huit kilomètres de P., le bourg où, en tant qu’infirmière, Élisabeth était attendue à bras ouverts. Si on optait pour un appartement en ville, c’étaient des dizaines de kilomètres en plus par jour et un espace beaucoup plus réduit. Malgré tout, Élisabeth hésitait et je m’apprêtais à renoncer quand sa mère évoqua l’idée d’acheter un chien. Là, ce fut magique. Avec un chien – mais un vrai chien de garde, hein ? –, alors oui, Élisabeth pouvait s’imaginer vivre là-bas.
Les jours suivant l’emménagement, j’étais tellement excité que je me suis lancé dans les travaux de notre chambre, de celle du petit, de la salle de douche, puis du salon en bas, de la cuisine et du garage.
Une envie de bruyère. De jeune bruyère rose pâle sur le point de virer violette parmi les crevasses de boue séchée, les douglas et les genêts. Revenir à l'enfance heureuse. Aux courses folles à travers les prés, les ruisseaux, les collines, les pentes. A la vieille langue que plus personne ne parle, à ses "r" qui roulent comme la caillasse dans les torrents, à ses mots humides et chauds qui sentent la terre et grattent la gorge.
Guy, si doux, alors que tout de moi voudrait le démolir, et où sans nulle colère - mais pourquoi, Guy, pourquoi est-ce que tu ne te défends pas ? - tu subis la folie de ma rage, ton œil, offrande qui me regarde et où je vois mon ombre comme pour la première fois, ton œil, presque lac à présent, transparent, translucide et duquel je crois entendre s’élever ce murmure impossible, "continue, continue", alors que tout de moi cherche l’ignoble »
Sabine Wespieser présente le nouveau roman de Tiffany Tavernier, "L'Ami", à paraître en janvier 2021