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Critique de fanfanouche24


Découverte merveilleuse de cet écrivain-sociologue togolais....pleine d'amour pour son père , relatant toutes les paraboles, fables, conseils qu'il prodigua à son fils, dans la forge de son enfance. L'unique forgeron du village, infirme, boiteux... mais rempli de sagesse et d'humour...et si fier de son garçon, devenu très instruit et écrivain !!

"Va, Abou, va , mon fils, jusqu'au bout du monde. Mais où que tu ailles, où que tu t'installes, n'oublie pas ce village où tu es né, n'oublie pas cette forge, notre forge, qui fut le lieu de tes apprentissages (...), n'oublie pas les premières paroles qui ont fait nid dans ta tête et dans ton coeur. Va, mon fils, va, mais en esprit, reste arrimé à ton passé. Tu danseras d'autant plus fièrement même dans la tempête que tu seras à la fois aérien et enraciné. (p.8)"

A la fois attirée par la simplicité lumineuse du titre et le quatrième de couverture très explicite quant aux thématiques. Hommage absolu de l'auteur à son père. Premier fils de sa famille à savoir lire, et écrire, à poursuivre des études... les terminant à Paris par un doctorat de sociologie...

Une petite pépite que cet ouvrage où nous abordons frontalement le choc des émotions, comme le choc des cultures...

" Je suis un ignorant. Mais, chaque fois que je me rappelle que tu es mon fils, je me sens riche de ton immense savoir acquis à l'école et sur les sentiers du monde. Cependant , Aboubakar Sadamba Tchakoura, tu ne deviendras réellement, à ton tour, mon père que si, de cet immense savoir,
tu parvenais à m'offrir la clé d'une énigme : où vont les larmes des poissons ?" : ainsi parla mon père pour se moquer de tous les livres que j'avais exposés sur ma table, dans ma chambre, au village, au cours de ce mois de vacances. " (p. 53)

Un texte qui peut paraître répétitif...avec trois parties distinctes: la première ressuscitant la PAROLE du Père, chaque anecdote, souvenir, fable, racontés, se terminant par "Ainsi parla mon père..."; la seconde partie donne la parole à l'auteur, cette fois, s'adressant à son propre fils, la précieuse transmission paternelle continuant à cheminer...et s'intercalent souvenirs, réflexions , questionnements personnels, enthousiasmes littéraires , passion absolue pour les livres de Sami Tchak .

"Tous ces livres qui, dans ma bibliothèque, ignorent comme je les aime ! Ou peut-être, n'ont-ils pas besoin de se savoir aimés, ils se suffisent à eux-mêmes. Enfin, pour eux, je gravirais La montagne magique de Thomas Mann, et, une fois au sommet, même si une maladie là-bas m'empoignait, je pourrais crier que grâce aux livres je vole, m'envole, en étant solidement
arrimé à ma condition de mortel insignifiant. "(p. 246)

Tous les sujets de l'existence sont abordés: La Vie, la Mort, la transmission de la Parole,le savoir, la religion, la foi, la fraternité, le racisme, l'avenir de la planète, Le Progrès... la Famille, l'amour paternel et filial, etc.; parallèlement à ces leçons de vie paternelles, on se familiarise avec les usages et coutumes du Togo, où les esprits des morts ainsi que la sorcellerie
sont en bonne place dans les rites du quotidien !...

Un hommage filial bouleversant, émotionnant, à maints égards... dont cette complicité étonnante et admirable du Père, lorsque le fils-écrivain lui fait partager ses lectures, tant littéraires que philosophiques, le père participe allègrement, partage et se réapproprie ces nouvelles connaissances apportées par le fils....

Ce père courageux, forgeron de son état, souvent humilié car infirme, boiteux, ... mais aussi à cause de l'absence du fils quelques années, ce dernier étant considéré comme indésirable, car il était en désaccord avec le pouvoir politique en place...On s'en est donc pris au Père...qui
vaillamment continua à vendre les objets qu'il forgeait, avec à côté, fièrement, les livres écrits par son fils.!!...

Celui-ci lui offrit deux pélèrinages à La Mecque, il ne reviendra pas du second. Il mourut, surpris dans sa prière...Ce qui fait dire au fils... que si l'existence de son père a été parsemé d'épreuves et de douleurs, il aura réussi magnifiquement "sa mort", son départ... !

Subsiste un gros nuage sombre persistant pour l'écrivain: autant il adula son père-forgeron, qui fut pour lui un vrai sage, autant il ne sut pas aimer sa mère....décédée prématurément...
Leur relation restera malheureusement froide et inachevée....

"Le feu de la forge de mon père ne s'éteint pas dans ma mémoire. Mon village, si minuscule, est devenu ma lucarne pour regarder le monde. "(p. 107)

Cette lecture restera un moment fort d'émotions et de plongée dans un univers mental et géographique, des plus dépaysants... même si l'ensemble des questionnements, analyses, observations , offert reste UNIVERSEL!!
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