Seulement, dit-elle, je ne peux pas être marraine. Dès que je regarde sa petite chemise, j'ai l'âme qui devient toute noire. C'est mieux que ce soit toi, Ariadna. Toi, tu as tout fait comme il faut : tu as perdu ton mari à la Première Guerre mondiale, ton fils à la Seconde, tes petits-enfants et ta belle-fille sont morts pendant le blocus. Tout comme chez les civilisés.
La famille de Sytine s'est agrandie : maintenant, ils sont quatre. Par conséquent, ils ont droit à un deux-pièces rien qu'à eux. Tu n'as qu'à emménager à leur place.
Neuf mètres carrés et demi, je suis libre comme l'air, une vraie princesse.
Ce roman permet de s'imaginer un peu a vie pendant la période communiste. Par moment c'est trop haché, de la langue parlée à demi mot, demi phrase
À présent, je suis toujours avec elles, même si elles ne me voient pas, comme s'il y avait entre nous un mur infranchissable. Mais tout de même, je vais chez elles. Je m'assieds, je reste quelque temps sans bouger et puis je me lève pour retrouver mon chevalet, pour entendre leurs voix et me métamorphoser en une autre, en cette petite fille qui retenait tout.
page 232
Leur nation – Evdokia est en colère -, au moins c’est du fait de l’Allemand qu’elle a souffert... Mais la nôtre, c’est surtout de notre propre fait. En vérité, nos pires ennemis, c’est nous. Les étrangers ont à peine le temps d’y penser que nous, allez, on l’a déjà fait. Contre les Allemands, nous avons été des héros. Il aurait fallu qu’on fasse pareil contre nous-mêmes... pages 67-68
– Ce qui est né grandira. Il arrive qu’une pomme aille pousser sur un sapin, et inversement, une pomme de pin sur un pommier.
– Alors, je demande, à quoi bon faire des efforts ? Suivre l’enfant pas à pas ? Si, par exemple, c’est une pomme de pin, elle ne deviendra pas une pomme.
– Non, acquiescent-elles. Mais si c’est une pomme, ça dépend de l’entourage qu’elle reste sauvage et aigrelette ou qu’elle s’emplisse d’un suc délicieux...
page 52
– Si je pouvais, souffle-t-elle, vivre encore une vingtaine d’années..
Je marche à côté d’elle et je me dis : vieille comme elle est, qu’est-ce qu’elle a à faire de tant d’années ?
– Pour voir comment ça va se terminer pour eux.
Qui c’est, eux ?
– Comme si elle avait entendu ; Evdokia lâche d’un ton furieux : Pour eux, pour ces... bolcheviques.
page 42