Ne pas se laisser faire par l'époque, c'est ne pas être méchant mais bon, vicieux mais sain, fou mai conscient, diabolique mais divin, équivoque mais entier, pisse-froid mais passionné, tordu mais droit, jeune mais ancestral, provocant mais discret, obscène mais secret, sentimental mais pudique, fanfaron mais franc. Avec cela on s'attire sarcasmes, méfiance, médisances. L'irritation que l'on suscite peut virer à l'hostilité. Alors ne pas être méprisant mais indulgent.
Refuser le port de la déprime obligatoire et l'euphorie qui la compense, ménager le plus d'enfance en soi, ne pas castrer ses goûts en les mettant sur le même plan par démagogie, ne pas renoncer à ses aspirations les plus élevées par timidité, ne pas s'en tenir au malheur et accepter cette épreuve supérieure qui consiste à ne pas s'en tenir au bonheur non plus. Et puis prendre son parti de la solitude que tout cela implique.
Le bonheur serait le cumul des succès professionnels, familiaux, sexuels d'un individu. En réalité l'intensité sensuelle, amoureuse, spirituelle n'est pas à son programme. La performance et la norme en sont l'abscisse et l'ordonnée. Le malheur est de ne pas appartenir à la norme, le bonheur est d'accomplir une performance par rapport à elle.
La norme est l'enfer que la société a nommé bonheur. Quand la joie consiste à jouir de tout ce qu'il y a de plus anormal en soi et au monde.
Il faut que ce soit ce qui pourrait te tuer à la longue qui soit la source de ta joie. Alors tu peux vivre sans crainte.
Tu as ce péché mignon de l'absolu.
Ta joie vexe ou blesse les mêmes que ta souffrance console ou réjouit.
Zigor me dit : "tu crois que c'est grave parce que tu souffres, mais ça n'est pas grave, ça n'est que douloureux."
A la différence des souffrances, les joies ne s'émoussent pas les unes les autres. Elles s'aiguisent.
Toute joie est une véritable surprise. Comme de rencontrer une licorne en un lieu retiré ou au milieu d’une foule et … d’entendre cette licorne t’appeler par ton prénom.