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Critique de Apoapo


Deuxième lecture de ces lettres de 2002, adressées explicitement à Oriana Fallaci, journaliste ex-gauchiste à l'époque de son célèbre Inshallah, devenue la Brigitte Bardot italienne de l'intolérance religieuse, de la xénophobie antimusulmane à outrance contre l'islam et les immigrés musulmans en Europe, ainsi qu'une "intellectuelle" de régime (inutile de préciser lequel), très écoutée lors de l'intervention italienne aux côtés des Etats-Unis dans TOUTES les guerres de Bush. Il fut donc juste de traduire et faire paraître dans les librairies françaises l'ouvrage de Terzani à côté des best-seller de Fallaci.
Lors du 11 Septembre Terzani vivait déjà dans une chaumière himalayenne sans eaux courante ni électricité, se préparant à quitter sereinement une vie de grandes joies et satisfactions personnelles, familiales et professionnelles (comme reporter en Asie durant plus de 30 ans pour le compte du Spiegel), conscient, ô comment!, de sa fin imminente à cause de multiples cancers dont il avait essayé de guérir puis de s'accommoder aux quatre coins du monde - il nous raconte tout cela dans "Un altro giro di giostra" que même les Turcs ont traduit, mais les éditeurs français ont très longtemps refusé.
Terzani donc, avec son flair journalistique qui date depuis l'entrée des Viet-kong dans leur capitale, a l'intuition que le 11 Septembre va changer le monde et se dit que, malgré son épuisement et sa propre quête personnelle, il serait un lâche s'il ne "redescendait dans le monde", pour témoigner contre cette énième guerre à laquelle il assistait: la guerre en Afghanistan. Avec toute la profondeur et la sagesse qu'il a acquises, il se pose contre toute guerre, à pied, en écoutant tout le monde, y compris les talibans, dont il rapporte qu'ils se sentent incarner la seule alternative "réelle" à la société de consommation, et dont il revendique le droit à la diversité, comme l'on parle de diversité culturelle ou linguistique ou (dans d'autres contextes) de biodiversité.
Il faut savoir, à part l'impact que cette première découverte de Terzani eut sur moi en 2002, qui me conduisit ensuite à la résolution de lire l'ensemble de ses ouvrages, des siens et de ceux de sa femme (qui a écrit sur leur séjour commun en Chine et au Japon), que Terzani a généré une vague éditoriale, idéale et "philosophique" de grande envergure auprès de la jeunesse italienne d'inspiration pacifiste et humaniste; je pense que, de même que la génération précédente s'est inspirée des lectures de Mai 68 en France (y compris de Marcuse, plus lu en Italie qu'en France quand même), Terzani, mais aussi Gino Strada (le chirurgien de guerre de l'association Emergency) etc, représente la bannière et la source d'inspiration de cette cohorte de jeunes (classe 1980 et 1990 voire au-delà). Faits incontestablement intéressants: Terzani a donc bénéficié de cette notoriété en Italie (à l'encontre de l'Allemagne où il était connu depuis longtemps) surtout à titre posthume; aucun parti politique italien n'a repris pour son compte cette nouvelle vague pacifiste (les partis ont toujours eu du mal avec le pacifisme en Italie et sans doute en Europe...); la traduction très limitée de Terzani en France en donne nécessairement une image qui ne saurait rendre compte de ce phénomène (car il manque tout l'aspect de sa spiritualité): la récente traduction de l'ouvrage posthume d'interview-fleuve menée par le fils de Terzani à son père, hélas, ne fait pas le poids...
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