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Critique de gerardmuller


La panthère des neiges / Sylvain Tesson /Prix Renaudot 2019.
L'éloge de la lenteur et de la patience.
C'est sur les hauts plateaux du Tibet que l'auteur, accompagné de son ami Vincent Munier, photographe animalier, va découvrir le concept d'affût. Pas d'autres moyens pour apercevoir la panthère des neiges qui sait si bien faire croire qu'elle a disparu telle une ombre magique.
L'approche et l'attente sont particulièrement bien décrites pour tenter d'apercevoir l'un des félins les plus rares au monde et dont la survie est menacée. C'est une véritable expérience d'introspection et d'immobilité. le duo d'amis est accompagné de Marie, compagne de Vincent et réalisatrice du film qui est tourné à cette occasion, et de Leo-Pol assistant.
On découvre les hauts plateaux du Tibet entre 4000 et 5000 mètres et leur rigueur climatique avec entre moins 20 et moins 30 degrés, ainsi que les sources du Mékong, avec leur faune de yacks et d'ânes sauvages, sans oublier les loups et les renards.
C'est dans une vallée d'un affluent du Mékong que la panthère leur apparait à trois reprises. C'est là qu'à la saison, les mâles se battent, les femelles s'offrent, les couples s'appellent…Elle est là, une apparition quasi religieuse qui pour l'auteur restera à jamais un moment de caractère sacré :
« Elle levait la tête, humait l'air. Elle portait l'héraldique du paysage tibétain. Son pelage, marqueterie d'or et de bronze, appartenait au jour, à la nuit, au ciel et à la terre. Elle avait pris les crêtes, les névés, les ombres de la gorge et le cristal du ciel, l'automne des versants et la neige éternelle, les épines des pentes et les buissons d'armoise, le secret des orages et des nuées d'argent, l'or des steppes et le linceul des glaces, l'agonie des mouflons et le sang des chamois. » Magnifique passage poétique du livre.
Tout au long du récit, l'auteur nous fait part de ses réflexions sur le monde actuel dont la dégradation le heurte profondément. Il ne se prive pas d'aphorismes incendiaires dont il a le secret et sait nous faire ressentir la fragilité du monde. Il fait souvent référence à deux ouvrages issus de la sagesse orientale : le Tao-tö-king de Lao-tseu dont il aime l'hermétisme narcotique et la Baghavad-Gita, un des textes fondamentaux de l'hindouisme. On remarquera aussi la qualité du style ainsi que le niveau de culture de Sylvain Tesson.
Extrait :
« L'une des traces du passage de l'homme sur la Terre aura été sa capacité à faire place nette. L'être humain avait résolu la question philosophique de la définition de sa nature propre : il était un nettoyeur ! »
« Les grottes avaient constitué la géographie matricielle de l'humanité dans ses lamentables débuts. Chacune avait abrité des hôtes jusqu'à ce que l'élan néolithique sonne la sortie d'abri. L'homme s'était alors dispersé, avait fertilisé les limons, domestiqué les troupeaux, inventé un Dieu unique et commencé la coupe réglée de la Terre pour parvenir dix mille ans plus tard à l'accomplissement de la civilisation : l'embouteillage et l'obésité. » En bref tout au début de la vie, « sortir de la soupe, ramper dans la nuit, trouver un abri : l'histoire de la vie. »
« J'ai appris que la patience était une vertu suprême, la plus élégante et la plus oubliée…Attendre est une prière. »
À son retour en Europe, l'auteur avoue : « Je préférais toujours la réalisation des rêves à la torpeur de l'espérance. »
En bref, un très beau texte, d'une grande richesse.

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