Une terrible « peste dansante », comme l'avait qualifiée Shakespeare, s'est déclenchée le 12 juillet 1518, à Strasbourg. Oublié, passé sous silence parce que très dérangeant et surtout gênant pour les puissants, il fallait sortir cet épisode incroyable des ouvrages spécialisés afin de le livrer au grand public comme Jean Teulé l'a fait, avec le talent qu'on lui connaît.
Entrez dans la danse ! J'ai été choqué, époustouflé, emporté par cette fièvre causée par la misère extrême, la faim, les malheurs accumulés sur une cité où l'on parle « un dialecte allemand strasbourgeois piqueté de mots français. »
Enneline n'ayant plus de lait pour nourrir son enfant le jette du haut d'un pont pendant qu'un couple de tonneliers termine son atroce repas devant la carcasse de leur petite fille qu'ils ont fait griller… C'est le sort de notre humanité qui pousse les plus démunis aux actes les plus extrêmes alors qu'une minorité accumule les richesses et gaspille tant et plus. Il en était ainsi, en Alsace, au début du XVIe siècle.
Puis, Enneline sort dans la rue et se met à danser. le tonnelier la rejoint, prend sa main et « ils dansent la carole au milieu de la rue… » le mari d'Enneline est graveur et quelques-unes de ses oeuvres jalonnent la lecture. C'est ainsi que débute le livre et je n'ai eu qu'une envie : en savoir plus et, surtout, tenter de comprendre !
Pour en savoir plus, l'auteur nous emmène à la mairie où l'Ammeister Andreas Drachenfels tente de savoir quelle est cette épidémie car de plus en plus de danseurs envahissent la rue du Jeu-des-Enfants et la ville, insensibles à la fatigue, à la douleur, aux blessures.
Strasbourg était une ville prospère, « une perle républicaine, enchâssée dans le Saint-Empire romain germanique » mais maladies contagieuses, grands froids, inondations plus une sécheresse interminable ont causé une misère absolue. Pendant ce temps, moines et curés hurlent « Cessez de danser ! » alors qu'ils accumulent les richesses, que leurs celliers regorgent de nourriture, qu'ils font tout payer au prix fort et réclament, en plus, de l'argent pour que le pape puisse faire construire une belle basilique, à Rome.
La ronde est folle. Tout est tenté sauf l'essentiel. le prince-évêque Guillaume de Honstein propose des solutions radicales alors qu'on dénombre mille danseurs, sur seize mille habitants. La querelle entre le pouvoir civil et le pouvoir religieux est édifiante. Ce dernier, pourtant menacé par un certain Martin Luther, assène : « Quant à la misère, elle est une grâce divine. »
Il ne faut pas en dire plus car le récit de Jean Teulé va au bout de cette histoire hors du commun, sans lésiner sur le vocabulaire, toujours cru et réaliste. Entrez dans la danse, un court roman que j'ai pu lire grâce au Club des Explorateurs de Lecteurs.com et aux éditions Julliard que je remercie.
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